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ON A SOUVENT BESOIN

vaient rassemblés tous les domestiques mâles et femelles : cuisinier, cocher, valet de chambre, femme de chambre, palefrenier, tous, jusqu’au dernier aide de cuisine, poussaient des cris de joie, riaient aux éclats, et se tenaient rassemblés autour de la pompe, battant d’avance des mains dans l’attente du spectacle gratis qui se préparait.

L’acteur principal, ou pour mieux dire le patient de cette scène, était Jacquot le ramoneur, qu’on venait de trouver endormi dans le cabinet de Monseigneur, à la suite d’un pèlerinage de plus de deux heures dans les cheminées de l’hôtel où il avait failli tomber asphyxié. Être surpris en flagrant délit d’assoupissement, la tête toute barbouillée de suie et appuyée sur une magnifique ottomane en lampas jaune doré, voilà qui méritait un châtiment.

Les fidèles serviteurs du prince de N. avaient tenu conseil et décidé, à l’unanimité, qu’il serait divertissant de placer Jacquot sous la pompe, et de lui administrer une douche prolongée, comme leçon de savoir-vivre. Le pauvre ramoneur, plus mort que vif, était déjà placé sous le tuyau ; le signal de l’irrigation allait être donné, quand tout à coup, une voix de Stentor, partie du vestibule, fit entendre ces mots : — Le premier qui touche à cet enfant aura affaire à moi !

Cette menace était prononcée par l’illustre Belrose, le chasseur du prince de N. Titan de la livrée, Belrose était sans contredit le plus bel homme que l’on eût jamais vu planté derrière une voiture. Haut de deux mètres, il était en outre d’une force prodigieuse qui imprimait le respect à tous les gens de l’hôtel. Il se fit faire place du geste au