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COURTE CAPE.

a du mérite, il était cependant bien facile à rétorquer.

— Certainement, — s’écria Charles ; — mais que veux-tu ? j’étais ce jour-là même retenu à la Chambre des pairs, et le ministère n’avait pour représentants, devant nos quatre cent cinquante-neuf souverains électifs, que cet ignorant de B***, ce bavard de C***, cette poule mouillée de D***. Comment voulais-tu qu’ils prévalussent contre une argumentation si captieuse et si serrée ?

J’aurais pu rappeler à Charles que M. B***, M. C***, M. D***, ne devaient pas à d’autre qu’à lui leur élévation au ministère, et que par conséquent il était responsable de leur incapacité : mais ceci n’eût fait qu’ajouter à son désespoir, et je gardai un respectueux silence. Lui, tout au contraire, revenait avec une espèce d’acharnement sur tous les incidents de sa défaite.

— Figures-toi, — me dit-il, — qu’après cet infernal discours, rien n’était encore compromis. Du Luxembourg où j’étais, et où l’on m’avait apporté la nouvelle de ce qui se passait à l’autre Chambre, j’avais écrit au président de celle-ci pour qu’il réservât jusqu’au lendemain le droit de répondre qui nous appartient toujours, comme tu le sais. Par malheur, — et tu concevras cette distraction dans l’état de trouble où j’étais, — je n’avais mis sur mon billet que le nom de M. S** *. Or, mon imbécile de valet de chambre a perdu deux heures à courir d’hôtel en hôtel après ce grave et bénévole personnage qui, durant ces deux heures, laissait se consommer le vote imprévu auquel nous devons notre ruine.

Hélas ! pensai-je, ceci ne serait point arrivé si l’adroit Joseph eût été chargé de la missive.