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DE PEU DE DRAP,

drons notre discussion, le jour où les affaires publiques t’en laisseront le loisir.


Malheureusement c’était à coup sûr que je me donnais les gants d’une prophétie politique ; sept à huit mois après la conversation que j’ai racontée, les mêmes journaux qui m’avaient appris la nomination de Charles, m’apportèrent l’ordonnance royale qui le rendait aux douceurs de la vie privée. Ce jour-là même, j’allai le chercher dans la retraite où il fuyait les regards des hommes. Il me fallut assez de peines pour pénétrer jusqu’à lui ; son grand butor de valet de chambre ne voulait jamais comprendre que certaines consignes absolues ne concernent jamais la véritable amitié.

Je trouvai Charles, comme je m’y attendais, dans un accès de misanthropie fiévreuse. Il voulait affecter une parfaite résignation ; mais son désappointement éclatait malgré lui en traits amers lancés contre ses antagonistes et contre ses adhérents politiques.

— Tu as sans doute lu, — me dit-il, — le beau discours auquel je dois ma chute ; le grand homme d’état qui l’a prononcé n’en est pas même l’auteur ; il l’avait commandé un mois d’avance à un journaliste de l’opposition.

— Vraiment ! — m’écriai-je, — et le nom de cet habile écrivain ?

Charles satisfit à l’instant même ma curiosité. — Or je reconnus, — mais sans oser en faire semblant, — le petit secrétaire si dédaigneusement congédié dans le journaliste puissant et redoutable.

— Il faut avouer, — repris-je, — que si ce discours