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IL TE CRÈVERA LES YEUX.

fermes isolées, de détrousser les voyageurs, de piller les châteaux.

La ferme de Robert Effing, étant une des plus considérables du comté, tentait la cupidité des maraudeurs qui battaient la campagne ; un soir, on s’aperçut que plusieurs d’entre eux furetaient autour de la ferme ; on se tint sur ses gardes, et durant une semaine il n’en fut plus question. Mais, par une nuit sombre, tout à coup on fut réveillé par des cris, des aboiements furieux et des coups de fusil. La bande pillarde venait d’attaquer la ferme. Robert sauta sur ses armes, chacun l’imita, et les cultivateurs, voyant leur jeune maître s’élancer dans la cour dont la porte venait d’être forcée, se précipitèrent à sa suite.

Robert était généralement aimé ; ses ouvriers se battirent comme de vieux soldats, et bientôt les bandits, surpris de cette résistance inattendue, prirent la fuite de tous côtés. Plusieurs restèrent sur le terrain, et le reste, vivement poursuivi, se dispersa dans la forêt voisine. Parmi ceux qui tombèrent au pouvoir de Robert, blessés ou saisis dans le désordre de la retraite, se trouvait un jeune adolescent à moitié nu. Robert, ému à la vue de cet enfant dont les yeux noirs brillaient sous un front pâli par la terreur, défendit qu’on lui fît aucun mal. Les brigands étaient vaincus ; les instincts généreux de Robert revenaient avec la confiance et la sécurité. Il interrogea le prisonnier.

— Je m’appelle Snag ; les gens que vous avez repoussés m’ont enlevé, il y a déjà longtemps, à ma famille qui habite un comté d’Angleterre ; depuis lors, je les ai suivis.

— Veux-tu rester avec nous ?

— Volontiers.