Page:Grandville - Cent Proverbes, 1845.djvu/282

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
214
TIRER LE DIABLE

envoyer seulement un énorme paquet contenant un équipement complet, qui permit à vos instincts patriotiques de ne plus battre sous l’enveloppe du péquin.

Vous m’avez souvent raconté qu’à une certaine faction, de minuit à deux heures, vous eûtes comme un vertige ; vos yeux se fermèrent à demi, et vous vîtes distinctement paraître devant votre guérite un personnage enveloppé d’un domino, et couvert d’un masque noir, que vous avez déclaré ne pouvoir être que le diable en personne. Ce personnage se mit, avec la main la plus mignonne et la plus blanche du monde, à détacher lestement, une à une, toutes les pièces de votre uniforme, vos épaulettes, votre sabre, votre ceinturon ; il cacha le tout dans sa robe, et s’enfuit à toutes jambes sans qu’il vous fût possible de le rejoindre.

Comment se fit-il que, le lendemain de cette singulière aventure, tout votre équipage se trouva chez un fripier du voisinage ? Adieu la gloire, tout était vendu ; et, de votre équipement, il ne vous resta absolument qu’un billet de garde !

Quel dîner nous fîmes à Montmorency avec votre habit, votre houpelande, votre bonnet à poil et votre plumet ! El vos buffleteries, votre fusil et le reste de votre fourniment, n’est-ce pas là ce qui vous permit d’assister à la première représentation de Napoléon ou les Cent Jours, toujours avec le diable de la guérite ?

Mais que devint votre oncle de Louviers, lorsque, arrivé à Paris à l’improviste, il voulut se procurer la satisfaction d’aller, sans vous prévenir, vous contempler à une des grandes revues ? Hélas ! il vit vainement défiler devant ses