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ÂPRE MORSURE.

quelles espérances, grands dieux ! — au prix des plus séduisantes réalités. — Convenez-en, la moitié de la somme que vous avez donnée à ce maraud de Gritti a été dépensée pour tirer de son galetas l’inflexible objet de vos vœux. Un sourire indulgent, ou tout au moins un chaste soupir, a payé ce généreux sacrifice. Il y a mieux : Tonina, cédant à vos instances, vous a permis de lui donner à souper, mais à condition que la hideuse matrone dont elle se dit la fille assisterait, pour empêcher la glose, à cet innocent festin. Je vous connais assez, et je vous vois rougir de trop bon cœur pour douter que les choses se soient passées comme elle l’a voulu. Grande chère, vins de choix, service magnifique, le tout assaisonné de mystère, et vous en avez eu pour vos cinquante ducats tout au moins. Peut-être commenciez-vous à vous repentir ; mais il était trop tard, et depuis lors, spéculateur aventureux, vous courez, comme on dit, après votre argent. Plus elle vous voit engagé, plus cette laideron vous tient la dragée haute, toute fière de vous trouver docile à ses moindres caprices. Je vous fais bien mon compliment du costume dans lequel nous l’avons vue au dernier bal masqué ; son habit de velours rose, brodé en paillettes d’or, était d’une richesse extrême ; le solitaire qu’elle avait au doigt vous coûte, je m’y connais, de cent trente à cent cinquante ducats. Sa haute de blonde noire était d’une beauté remarquable pour la finesse et le dessin. D’ailleurs n’a-t-elle pas pris grand soin de vider ses poches devant nous ? Tabatière d’or, étui d’or, bonbonnière entourée de perles fines, lorgnette superbe, breloques étincelantes de petits diamants, rien ne manquait à cet ajustement magnifique dont je ne veux pas