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QUI SE COUCHE AVEC DES CHIENS

— Quoi ! c’est vous déjà, Seigneur dom César ? s’écria dom Bartholomeo. — Moi-même, grâce à votre cheval qui va comme une hirondelle. Quand vous voudrez vous en défaire, j’ai cent écus à votre disposition. Mais, pourrais-je vous demander, Seigneur dom Bartholomeo, quelle pensée vous occupait tout à l’heure ? — Je revais, dit le jeune gentilhomme. — Je gage mon épée contre un maravédi que vous songiez à la belle dona Dorothea de Santa-Cruz ? — C’est la vérité ; le souvenir de ses beaux yeux me suit partout. — Eh bien ! seigneur cavalier, la fortune vous traite en enfant gâté ; car la senhora, en brillante compagnie, a fait la partie de déjeuner ce matin au bord de l’eau. Si vous voulez me suivre, nous la trouverons dans ce bois d’orangers, à cent pas d’ici. — Vous suivre, Seigneur dom César ? Mais, pour voir la senhora Dorothea, je vous suivrais jusqu’au cap des Tempêtes !

Cinq minutes après, les deux jeunes gens pénétraient sous un bosquet verdoyant, où deux ou trois dames et cinq ou six gentilshommes devisaient à l’abri des feux du jour.

— Mon ami le comte Gamboa, dit dom César en s’inclinant.

À ce titre de comte, dom Bartholomeo rougit de plaisir ; un regard de la senhora Dorothea, qui aurait donné de la vanité à de plus modestes, acheva de lui faire perdre la tête. On s’assit sur l’herbe autour d’un déjeuner exquis. Les vins d’Espagne et d’Italie, rafraîchis dans la neige, circulaient de toutes parts ; et, tandis que les coupes s’emplissaient, la main de dom Bartholomeo effleurait parfois la main de dona Dorothea.

— De par saint Jacques de Compostelle, mon bienheu-