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CHAT GANTÉ

soirs en lui racontant des contes fantastiques et complétement inédits, que lui donnait jadis à titre de gages son ancien maître, le fameux Hoffmann, qui l’avait eu longtemps à son service.

Quand il se vit dénué de tout, il alla frapper à la porte des anciens amis de son père ; plusieurs d’entre eux lui devaient leur fortune ; mais pas un ne voulut le reconnaître.

— Vous, le fils du Chat Botté, de ce chat de tant de bon sens et de finesse, qui attrapait tout le monde, et courait plus vite que tous ses rivaux et ses concurrents à l’aide de ses grosses bottes, toujours couvertes de poussière ! Où sont vos bottes ? Vous avez des gants à vos pattes de devant ; vous avez fait vernir vos pattes de derrière. Allez, allez, mon jeune gentilhomme, ce n’est pas en pareil équipage qu’on fait son chemin dans la vie !

Le pauvre chat était d’autant plus désespéré de ce qu’il entendait, qu’au milieu de ses désastres il tenait toujours à afficher une certaine élégance. Rentrer dans ses grosses bottes qui le rendaient souverainement ridicule jusqu’à la ceinture ! Ah ! plutôt la mort !

La mort ne vint pas, et l’argent non plus.

Le descendant des anciens serviteurs de la maison de Carabas tomba dans une telle détresse, qu’il lui fallut songer à entrer en condition. Il alla frapper à plusieurs portes ; il fit insérer dans les petites affiches : « Un chat pour tout faire, etc. » On lui proposa… devinez quoi ?

On lui proposa de se faire comédien, lui, le petit-fils du noble personnage qui avait eu ses grandes et petites entrées dans les souricières de Louis XIV !

Dans un de ces théâtres en plein vent d’origine napoli-