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SYPHILIS

de l’état de leurs ganglions que de leur manque d’aptitude réactionnelle en général et du vieillissement général de leurs cellules.

Quoi qu’il en soit, l’adénopathie du chancre syphilitique doit attirer d’autant plus l’attention qu’elle peut être un signe utile de diagnostic rétrospectif lorsque l’accident primitif a disparu. Elle peut ainsi permettre de fixer approximativement l’âge de L’infection, et surtout de préciser la nature même de la lésion chancreuse. On doit en effet distinguer nettement le chancre induré du chanore mou (chancre simple, chancrelle), lésion purement locale, sans retentissement général sur l’organisme, caractérisé par l’apparition vingt-quatre heures environ après le coït d’une élevure rougeâtre peu étendue en surface qui devient pustuleuse pour se transformer ultérieurement en ulcération à contour arrondi, à bords rouges irréguliers, à fond inégal, anfractueux, comme taillés à l’emporte— pièce, rempli de matière purulente qui, inoculée, reproduit la lésion, tandis qu’il n’en est pas de mémo pour la sécrétion du chancre syphilitique qui ne peut se réinoculer au même sujet. Le chancre mou proprement pansé, et surtout isolé par un pansement occlusif des régions saines environnantes, guérit rapidement. Le fond de l’ulcération se déterge, et un bourgeonnement de bonne nature assure rapidement la cicatrisation. Il est des cas pourtant ou il peut être rebelle aux traitements les mieux combinés et devenir lui aussi phagédénique, s’étendant en surface et en profondeur aux tissus d’alentour. L’adénopathie ganglionnaire qui accompagne le chancre simple, loin d’avoir un développement indolore, à froid, si on peut dire, se traduit au contraire par de la douleur. Elle frappe d’ordinaire un seul ganglion qui aboutit presque toujours à la suppuration (V. Bubon), au contraire de ce qui se passe dans la syphilis ou les ganglions ne suppurent pour ainsi dire jamais. Le nombre des chancres fournit peu d’indications par lui-même au point de vue du diagnostic. Un disait autrefois que le chancre infectant était toujours unique. On sait aujourd’hui qu’il peut exister simultanément plusieurs chancres infectants. Il suffit qu’il y ait eu plusieurs points inoculés en même temps pour que des chancres syphilitiques se développent conteraporainement. D’autre part, le chancre mou peut être également solitaire. Ce n’est donc pas sur le plus ou moins grand nombre de lésions chancreuses qu’on peut établir d’emblée un diagnostic de syphilis. Ce diagnostic devient plus difficile encore lorsqu’on se trouve en présence d’une lésion à caractères mélangés (chancre mixte), ou l’ulcération, après avoir d’abord revêtu pendant quinze à vingt jours les apparences ordinaires du chancre mou et sécrétant du pus, s’indure par ses bords, prend dans son ensemble une coloration brun rougeâtre, et revêt dès lors l’aspect classique de la lésion primaire spécifique. Ces cas sont heureusement exceptionnels pour les praticiens qu’ils plongent ordinairement dans la plus grande perplexité.

L’herpès est une autre cause fréquente d’embarras pour le diagnostic des lésions primaires de la syphilis. Mais l’herpès (V. ce mot), outre qu’il frappe plus spécialement des sujets nerveux prédisposés, s’accompagne souvent de prurit, d’hyperesthésie de la muqueuse. Il débute par des vésicules qui laissent à leur place, une fois rompues, de petites ulcérations douloureuses qui, lorsqu’elles sont agglomérées, prennent par leur réunion un aspect policyclique. L’expression du suc qu’on obtient en serrant la région suspecte entre les doigts (signe de Leloir) peut être utilisée et fournir un renseignement précieux en faveur de l’herpès. Le plus souvent enfin, l’éruption herpétique ne -accompagne pas d’engorgement ganglionnaire. Mais cette constatation n’offre pas une garantie absolue, car certains malades ont à chaque poussée d’herpès une adénite, et l’embarras du médecin peut devenir très grand lorsqu’il se trouve en présence d’une lésion herpétique dénaturée dans ses caractères par une médication locale intempestive, telle qu’une série de pansements irritants ou une cautérisation inutile au nitrate d’argent. h. Période secondaire. Cette phase, qui succède ordinairement à la période de l’évolution du chancre au bout d’un délai variant de quelques jours à quelques semaines, peut cependant se manifester beaucoup plus vite et être même contemporaine de l’accident primitif à son déclin. Sa durée est extrêmement variable, parfois éphémère au point de passer inaperçue si on ne la recherchait pas ; parfois très longue, au point de s’échelonner sur une série d’années, et perpétuant ainsi la période des accidents contagieux. La moyenne est de deux années, au cours desquelles se montrent des exanthèmes de la peau et des muqueuses dont nous allons faire ici la description et qu’on a l’habitude de décrire sous le terme général de syphilides. Les manifestations se révèlent parfois avec une grande intensité d’allures, parfois elles demeurent discrètes. Elles peuvent affecter un caractère de ténacité désespérante qui oblige à recourir à un traitement particulièrement énergique (V. ci-dessous, § Traitement) ; d’autres fois, elles apparaissent par poussées séparées par des intervalles de santé apparente plus ou moins longue et qui malheureusement, lorsqu’ils se produisent dès le début de la maladie, endorment souvent les intéressés dans une sécurité trompeuse qui, les rassurant prématurément, les incite à laisser de côté un traitement qui demande à être suivi avec persévérance, puisque c’est le seul moyen d’en obtenir des résultats fermes et profitables. C’est ici que le pouvoir moral du médecin doit se faire sentir avec le plus de régularité, et beaucoup de malades doivent leur guérison autant à l’autorité de celui qui les soigne qu’aux remèdes eux-mêmes qui doivent être étudiés, prescrits, gradués avec une méthode rigoureuse, en raison de la diversité des terrains auxquels on s’adresse et des complications multiples qui peuvent surgir de la nature même du patient, sans compter celles qui découlent de l’affection elle-même. C’est au cours de cette période que se développent la plupart des manifestations auxquelles on a donné le nom de syphilides, et qui sont les symptômes les plus habituels et les plus caractéristiques de l’infection. Les syphilides frappent la peau et les muqueuses. Elles sont en quelque sorte, pour le système tégumentaire, l’expression de la vérole elle-même dont elles marquent sinon les étapes, du moins l’âge. Mais on doit éviter de comprendre sous cette appellation les manifestations contemporaines sur les autres systèmes (oeil, muscles, périoste, etc.). Celles-ci ne sont pas des syphilides.

La première en date, celle qu’on doit rechercher avec le plus grand soin, est l’éruption souvent généralisée à laquelle on a donné le nom de roséole. Elle s’annonce quelquefois par des phénomènes généraux, fatigue, courbature, fièvre légère, chute des cheveux, douleurs vagues dans les os, dans les muscles, dans les articulations, mal de tête tantôt sourd et très supportable, tantôt aigu et pénible au point d’arracher des plaintes au malade. D’autres fois, elle s’installe sans aucun bruit, et sa durée peut même être si fugace qu’elle peut passer inaperçue. L’éruption est constituée par des taches généralement roses, disparaissant sous la pression du doigt, du moins au début, pouvant atteindre la dimension d’un centimètre carré, débutant souvent par le thorax et l’abdomen, puis se disséminant sur les lianes, les membres. La coloration rose du début peut devenir plus foncée ultérieurement, de teinte brunâtre. La partie centrale des macules peut quelquefois se soulever légèremeut. Elles ont alors l’aspect d’un érythème papuleux. La roséole peut récidiver ; une nouvelle éruption peut se produire au bout de six à huit mois, quelquefois beaucoup plus tard. H est très important de constater la première atteinte qui peut être l’unique manifestation cutanée de la maladie et a, à ce titre, une grosse importance pour le malade en le fixant pour l’avenir.