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SYPHILIS

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tout en faisant remarquer que cette répartition est tout ce qu’il y a de plus arbitraire. En effet, la période primaire peut passer complètement inaperçue. Elle peut même, selon certains auteurs, ne pas exister (syphilis d’emblée). ■ — De plus, la période dite secondaire peut être contemporaine de la primaire, la période dite tertiaire peut empiéter sur la secondaire au point de marcher de front avec elle (accidents gommeux précoces) ; on peut aussi voir des accidents de seconde période renaître à une époque fort éloignée du début, alors qu’on peut se croire en pleine phase tertiaire. Il n’est pas enfin jusqu’au syphilome primaire qui ne puisse se réveiller parfois plusieurs années après le début avec tous ses caractères initiaux (réveils locaux du virus) au point de faire croire, si on ne se renseigne pas, à une véritable réinfection. a. Période primaire. Cette période, qui date de l’instant où le principe contagieux a pénétré dans l’organisme, comprend théoriquement deux phases, l’une qui va du début de l’infection à l’apparition de l’accident dit primitif, l’autre qui coïncide avec le développement et l’évolution de ce dernier qui apparaît le plus souvent de dix à vingt jours après l’intoxication. La première phase passe pour ainsi dire insoupçonnée du malade. En général, aucun phénomène morbide ne vient fixer son attention, et c’est souvent au milieu de la santé la plus parfaite qu’il arrive un moment où l’infection se révèle par l’apparition de la lésion initiale. Pourtant il n’en est pas toujours ainsi, et il est des sujets qui, dans la période d’incubation même, éprouvent déjà des troubles généraux analogues à ceux qui accompagnent d’ordinaire le début de la période dite secondaire et que nous décrirons plus loin. La période d’incubation prend fin avec l’apparition de l’accident primaire, qu’on désigne le plus habituellement sous le nom de chancre syphilitique, parce que c’est sous cette apparence qu’il se montre le plus souvent, et bien que la porte d’entrée puisse être toute autre, puisqu’elle peut être si minime qu’elle peut passer parfois tout à fait inaperçue et introuvable, malgré les recherches les plus minutieuses, ce qui a suggéré à certains auteurs l’idée que la syphilis pouvait éclore d’emblée sans lésion primaire au moins apparente. Cette opinion est après tout défendable, mais elle s’applique à un nombre restreint d’observations. Dans la majorité des cas, l’accident syphilitique primitif revêt l’aspect d’une lésion chancreuse. Le chancre demande pour se produire une effraction préalable de l’épiderme ou d’une muqueuse. L’infection syphilitique ne peut se faire qu’à la faveur d’une solution de continuité, par inoculation directe (coït, vaccination, morsure, baisers, pratique de l’art médical ou de celui de la sage-femme), ou par inoculation médiate, par le contact d’instruments ou d’objets souillés par le virus syphilitique. C’est ainsi que la maladie a pu être communiquée par des verres, fourchettes, cuillères, serviettes, pipes, porte-cigares, par la canne du verrier, un instrument de chirurgie mal nettoyé, etc. La syphilis est donc, selon les cas, d’origine génitale ou non génitale. A ce dernier titre, elle frappe un grand nombre d’innocents, et c’est bien à tort qu’on lui a appliqué et qu’on lui applique tous les jours encore, dans notre société presqu’aussi amusée parle spectacle du vice qu’ignorante et routinière, le terme de maladies honteuses. Comme s’il existait des maladies honteuses ! Où est la honte pour un époux qui contracte la syphilis par la copulation avec sa propre femme, et réciproquement, ou pour la nourrice qui la prend de son nourrisson, etc., etc. Il est temps de rayer un vocable qui oblige à parler à mots couverts d’une affection qui, si elle était connue du plus grand nomore sous son vrai jour et avec tous ses dangers, ferait infiniment moins de victimes.

Le chancre syphilitique débute après une incubation variable, entre neuf à dix jours et trois à quatre semaines en moyenne (dans des cas tout à fait exceptionnels, cette incubation peut être beaucoup plus prolongée). Il apparaît (mais il est rare qu’on l’observe dès son origine, à moins que le malade préoccupé par un coït douteux ne surveille attentivement ses organes) sous forme d’une tache ou d’un point rougeàtre qui devient noduleux et acquiert en augmentant d’épaisseur et d’étendue une consistance ferme qui donne au toucher (lorsqu’on serre la lésion entre deux doigts) l’impression d’une feuille de parchemin plus ou moins épaisse oud’un tissu de cartilage, d’où le nom de chancre induré, sous lequel on a coutume de dénommer dans la pratique l’accident primitif de l’infection syphilitique. Quelques jours après son apparition, huit ou neuf jours en moyenne, la surface centrale du chancre (qui dans les cas habituels a continué à s’accroitre en volume) devient squameuse et s’érode plus ou moins profondément en prenant une teinte rouge, jam bonnée, quelquefois brillante et comme vernissée. La pression détermine un suintement séro-sanguinolent. Elle est peu douloureuse. Au bout de quelques jours encore, l’érosion semble se combler, puis la cicatrisation se fait plus ou moins vite, laissant à sa place une masse dure qui semble faire corps avec les couches profondes de la peau, persistant parfois très longtemps, mais finissant cependant par disparaitre tôt ou tard avec la cicatrice qui la surmonte. Celle-ci peut persister de longs mois et même des années, témoin souvent utile pour les recherches à opérer dans les cas d’incertitude de diagnostic, ou demeurer à tout jamais indélébile sous forme de dépression gaufrée, profonde, tranchant nettement sur les tissus périphériques. C’est à la verge (sillon du gland, bord du prépuce), aux grandes et petites lèvres, qu’on rencontre le plus souvent le chancre syphilitique. Puis on le trouve au scrotum, sur la peau de la verge, autour du clitoris, au mamelon, à la bouche. Mais on peut le rencontrer aussi en tous les autres points du corps (langue, amygdales, anus, paupières, doigts, orteils, cou, cuir chevelu, nuque, etc., etc.). L’inoculation peut se faire en tous les points du revêtement cutané ou muqueux. Il suffit pour qu’elle se produise qu’il y ait une porte d’entrée suffisante. L’aspect du chancre syphilitique diffère considérablement suivant les terrains. Chez les gens fatigués, à constitution débile, il peut atteindre de grandes dimensions en profondeur et en surface et revêtir même des caractères spéciaux qui rendent sa cicatrisation difficile (C. phagédénique).

Le développement du chancre syphilitique s’accompagne ordinairement d’une adénopathie marquée, dans le domaine des lymphatiques de la région contaminée, tantôt dès le début de la lésion, tantôt à une période plus avancée, coïncidant avec le commencement de l’induration. Cet engorgement ganglionnaire en chaînette s’établit silencieusement, car il est presque constamment indolore. Les ganglions sont durs, souvent isolés les uns des autres, atteignant des dimensions très variables, depuis celle d’une noisette jusqu’à celle d’un petit oeuf, en conservant à peu près leur forme originelle, ou bien agglomérés en véritables paquets pouvant atteindre un volume considérable. Le retentissement sur les ganglions n’est nullement proportionnel à l’étendue du chancre lui-même. Un chancre très gYos peut donner lieu à une adénopathie bénigne, et réciproquement. L’adénopathie peut même manquer totalement, et son absence contribue assez souvent à faire commettre des erreurs de diagnostic. Certains auteurs considèrent ce symptôme négatif comme fâcheux, et ils estiment que la syphilis est plus grave chez le vieillard en raison de l’absence fréquente d’adénopathie. Elle serait au contraire moins grave chez les sujets jeunes dont le système ganglionnaire est plus complètement touché dans les cas d’infection spécifique. Il est probable que chez ces derniers l’intoxication semble déterminer une poussée ganglionnaire plus (orte en raison du développement proportionnellement plus marqué du système lymphatique en regard d’autres systèmes, et que, d’autre part, la gravité de la syphilis acquise chez les gens âgés dérive bien moins