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SWIFT — SWINBIRNE

dinairc, n’obtient pas de récompenses suffisantes, se fâche et tombe malade d’anxiété. Il réussit tout de même à se faire nommer doyen de Saint-Patrick (17 13). Son séjour à Londres l’avait mis en relations avec les personnalités les plus marquantes du temps : il avait été un des premiers membres du Brother’s Club, avec Prior et Arbuthnot ; il avait acquis une notoriété considérable. Pourtant il s’était brouillé avec Steele et il en était résulté une polémique des plus acerbes, ou Swift insolent, avec génie, et passé maitre dans l’invective, n’avait pas eu de peine à prendre tout l’avantage. Il postulait toujours sans succès, et le poste d’historiographe de la reine lui échappa encore. D’ailleurs les affaires des tories se gâtaient, et à la chute d’Oxford, Swift se retira en Irlande, ce qu’il appela son exil (1715). Il s’y occupa fort agréablement à se laisser aimer jusqu’à l’adoration par sa Vanessa (Esther Vanhomrigh), une simple et gracieuse jeune lille, qui mourut en 1723 des suites d’une scène terrible que lui fit Swift parce qu’elle avait osé demander s’il était marié à Stella. Swift, toujours attiré par la politique, se mit a attaquer les procédés des colons anglais en Irlande, et dans des écrits mordants, signés « M. B., drapier », les accusa de ruiner le pays. Le gouvernement poursuivit avec rigueur cet insolent drapier et Swift y gagna une popularité énorme. Il vint à Londres, ne put s’entendre avec Walpole sur les réformes à opérer en Irlande, s’allia contre lui avec Bolingbroke, coquetta avec Mrs Howard, collabora avec Pope et Arbuthnot aux Misée II unies, et en 1726 publia ses Gulliver 1 s Travels, la satire la plus amère qu’on ait jamais écrite sur l’humanité et en même temps le conte le plus merveilleux ; si bien que ce livre extraordinaire a fait de tout temps la joie des enfants et celle des misanthropes. L’oeuvre eut un succès considérable, fut immédiatement traduite en français par l’abbé Desfontaines qui se permit de supprimer de nombreux passages « choquants », à la grande fureur de l’auteur. Swift, à son retour à Dublin (1726), fut accueilli avec enthousiasme, les cloches sonnèrent, les feux de joie brillèrent, les corporations tirent un cortège imposant et le doyen fut porté en [triomphe jusqu’à sa maison. Le pauvre Swift ne jouit pas tranquillement de sa renommée. Sa santé, déjà mauvaise, s’altéra davantage. Stella, après de longues souffrances, mourut le 28 janv. 1728. L’amertume de Swift s’accentua encore. Les misères du peuple irlandais devinrent son thème favori. Elles étaient affreuses ; il réussit à les peindre soqs des couleurs encore plus affreuses : il atteint au comble de l’horreur par des imaginations abominables, comme lorsqu’il conseille froidement aux pauvres de manger leurs enfants, excellent moyen de se délivrer de leurs importunités (Modest proposai for preventing the Children of the voor frorn being buraensome bg using thern as articles offood, 1729), ou bien lorsqu’il adjure le gouvernement de permettre aux Irlandais de s’engager dans l’armée française, afin d’atteindre plus rapidement son but qui est l’extermination de ce peuple Answer to the Craftsman, 1730). Son pessimisme tournait à la folie noire, il redoutait de mourir dans un coin « comme un rat empoisonné » ; tantôt il fuyait la société, tantôt il se plaignait d’être abandonné par ses amis. Les meilleurs d’entre eux, comme Sheridan, étaient obligés de supporter patiemment ses désagréables boutades jusqu’au jour où un excès de méchanceté les obligeait à rompre tout commerce. Pour se désennuyer, il continuait à écrire et toujours sur le même ton : ses fameuses Directions to Servants, qui n’ont été publiées qu’après sa mort, sont de cette époque troublée. Ou bien il mystifiait ses connaissances par des inventions diaboliques, tyrannisait les femmes qui s’intéressaient à lui ; malgré tout, il conservait l’amour du petit peuple qui lui pardonnait ses excentricités les plus blâmables, qui n’était même pas loin de les admirer comme des marques d’un esprit supérieur et qui était toujours tout prêt à le défendre contre les représailles qu’il s’attirait de temps à autre de gens qu’il avait piqués trop au vif. C’est que, en dépit de tous ses défauts, il était très charitable, traitait avec bonté ses serviteurs et, pourvu qu’on lui passât son incorrigible manie d’affubler de noms grotesques et de ridiculiser ceux qui avaient recours à lui, il était toujours disposé à rendre service. Peu à peu ses brillantes facultés s’évanouirent ; ses derniers jours furent pénibles, il souffrit de troubles de l’oreille, d’abcès à l’oeil, eut une attaque d’aphasie et mourut après une longue agonie. Il fut enterré à Saint-Patrick, à coté de Stella. Il avait pris soin de rédiger l’épitaphe qui devait être placée sur sa tombe, le seul endroit, disait-il, ubi serra indignatio ulterius cor lacerure neûuit. Cet homme extraordinaire est plein de contrastes : misanthrope jusqu’à la férocité, il rechercha maladivement l’affection et l’amour, et tyrannisa ses amis et ses maîtresses. A dire vrai, on ne pouvait l’aimer — et c’est ce qui explique peut-être cette apparente contradiction — mais on était fasciné par sa profonde sincérité et son intense besoin de justice et dérouté par i’égoïsme des préoccupations personnelles qu’il mêlait à ses plus légitimes indignations. Comme presque tous ses écrits ont été publiés anonymement, on n’a pas encore pu dresser la bibliographie complète de ses œuvres. Les meilleures sont les Notes for a bibliography of Swift de Stanley Lane-Poole (Bibliographer, t. VI) et la liste donnée par Leslie Stephen dans le Dictionary of National Biography (t. LV, 1898) et qui ne comprend pas moins de 93 numéros. Nous citerons seulement, outre les ouvrages signalés au cours de cet article : A project for the advancement of Religion and the lie formation of manuers (1708) ; A new journey to Paris (Londres, 1711, in-8) ; .1 proposai for correcting, improving and ascertaining the english longue (1712, in-8) ; Maxims controuled in Ireland (1724) ; Cadenus and Vanessa (Dublin, 1726, in-8) ; The. Journal of a modem lady (1729, in-8) ; Infaillible scheme to pay the public debt ofthe Nation in six months (1731, in-8) ; The lady’s dressing room (1732, in-8) ; A beautiful young Nymph going to Bed (1734, in-4) ; Poetical works (Londres, 1736, in-12) ; Verses on the dealh of Dean Swift ivritten by hiniself (1739, in-8) ; Letters to and front Dean Swift (1741) ; Story of the injured Lady (1746, in-8) ; History of the last four years of the Queen (1758, in-8). Les Œuvres complètes forment 12 vol. in-8 publiés par Hawkesworth en 1755, par Bowyer en 1762 (13 e et 14 e vol.), par Deane Swift en 1765 (15° et 16 e vol.), par Hawkesworth et Deane Swift (correspondance) en 1766 et 1767 (17 e à 22 e vol.) ; par J. Nichols en 1775-79 (23 e à 25 e vol.). Ths Roscoe a donné une édition en 2 vol. in-8 en 1849. R. S.

Bibl. : Lord Orrery, Remarlis on the life and writings ofJ. Swift ; Londres, 1751. in-8. — Delany, Observations upon lordOrrery’s Remarks, 1754. — Deane Swift, Essay upon the life of Swift, 1755. — Sheridan, Life of Swift, 1755. — Hawkesworth, Life of Swift, 1755. — J . F orster, Life of Swift, 1875. - Henry Craik, Life of Swift. 1885. in-8.— C.-H.Wilson, Swiftiana, 1804. 2 vol. in-12.— W.-R. Wilde, The closing years of Dean Swift’s life. 1819. in-8.

— Churton-Collins, Jonathan Swift, a biographical and critical study, 1893. — Q. Craufurd, Essai historique sur le D’ Swift et sur son influence dans le gouvernement d’Angleterre ; Paris, 1808, in-4. — Wai.ter Scott, Memoir of J. Swift, 1826, 2 vol. in-12. — S. Jeffrey, Swift and Richardson ; Londres, 1833, in-8. — R.-M. Meyer, J. Swift und G. Lichtenberg ; Berlin. 1886. — II. Reynald, Jonathan Swift ; Paris, 1860, in-12. — Prévost-Paradol, J. Swift, sa vie et ses (euvres ; Paris, 1856, in-8. — L. de Wailly, Stella et Vanessa ; Paris, 1855, in-12. SWILLY (Lough) (V. Irlande, t. XX, p. 945). SWINBURNE (Algernon-Charles), poète anglais, né à Londres le 5 avr. 1837. Il consacra toute sa vie à la littérature. Il avait déjà publié quelques essais, sans attirer l’attention publique, lorsque ses Poems and Ballads (1866), injustement critiqués par la presse, l’impliquèrent dans une polémique qui mit le public de son côté. La renommée lui vint et, peu à peu, il l’ut reconnu comme le plus grand des poètes anglais contemporains. Citons