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riable, personnel il transitoire : indiscernable de l’affeetion ou de la pitié, il ne s’adresse qu’a des individus, en tant que connus al distingues de tous les antres ; il peut coexister avec nne attitude générale de défiance ou de ■aine à l’égard des hommes dans leur ensemble. — La Sbilanthrome proprement dite apparaît lorsque, bous l’in- ■eooe de la vie sociale et de la réflexion, le mouvement naturel qui peut pousser l’homme vers ses semblables esl considère, par opposition au mouvement contraire, comme seul légitime et normal ; lorsque encore il devient naturel et permanent, et qu’il s’adresse, non pas à tel individu. mais à l’homme an tant qu’homme. In ce sens, aile esl

eiiiie d’abord aux bornes étroites de la tribu eu de la

die. plus lard seulement de la race ; dans Imites les civilisations primitives, et là même ou la bienveillance est la première loi de l’homme envers -es compagnons, elle M l’engage pas envers les membres d’un autre groupe i : dans l’antiquité classique encore, les sentiments du Grec ne sont pas les mêmes envers ses cou ilovons et envers les bar bares , envers les hommes libres st envers bal w lavas ; pour les Latins primitifs, l’étranger n’est pas loin d’être un ennemi : ainsi les progrès de la philanthropie sont lies aux variations du sentiment patriotique. et s’étendent à mesure que celui-ci devient moins jaloux et moins étroit. Dès cette époque pourtant, c’est une sympathie naturelle et impersonnelle qui lie l’homme à

qu’il considère comme ses semblables, en dehors de 

tout calcul d’intérêt et de toute impulsion d’une affection particulière : ce qui varie seulement ici. c’est l’idée que l’homme se t’ait de son semblable, ce qui manque c’est la notion de l’unité humaine. — Cette conception restreinte de la philanthropie apparaît seule dans la période classique de la philosophie grecque : la pensée morale n’y dépasse jamais nettement les homes de la cité ni un idéal de développement individuel. Sans doute l’amour joue un trop grand rôle dans la dialectique, et l’idée générale dans la métaphysique platonicienne pour qu’on n’en puisse pas logiquement tirer des maximes de conduite capables île s’appliquer universellement aux relations de l’homme avec l’homme : mais, en fait, la République idéale de Platmi est encore une cite grecque, comme son juste idéal est un Athénien. C’est de même dans les relations des citoyens entre eux, et après avoir justifié l’esclavage, qu’Aristote nous présente l’amitié ou la philanthropie comme un complément uécessuire de la justice pour la cite.

— premiers peut-être, mais en tout cas

les stoïciens s’élèvent nettement à l’idée de l’unité humaine, et conçoivent tous les hommes comme soumis à une même loi. comme jouissant des mêmes droits naturels, romme formant une même cite idéale, parce qu’ils participent à une même raison. Par suite, les sentiments natut bs devoirs qui doivent les unir seront toujours ■ ■mes, sans acception de races, de castes ni de personne. .. rv^t i,, véritable philanthropie, mais c’est aussi la pure doctrine stoïcienne qui s’exprime chez les penseurs ou les orateurs grecs el latins à partir du 11 e s. av. J.-< .. dois le Motno suid, de Térenee, le Caritas ku- """ de Cicéron, et tant de maximes fameuses • ou .le Juvenal. de Quintilien ou de Marc-Aurele. qui semblent à demi chrétiennes ; c’est elleencore qui inspire les maiiraes si hautes et si libérales jurisconsultes de | a i,„ ,| f . l’Empire et les amène à l’affirmation d’un - droit naturel ». Ainsi s’est précisée, dès la tin du monde antique, [’idée de la personne humaine lité, et la philanthropie en découle comme une conséquence nécessaire. — .Mais deux traits, d’ailen restreignent pourtant encore l’a por-

! I. la monde antique reste essentiellement 

admdueUe : c’est an perfectionnement intime, à la culidéale du vage. isolé par abstraction de tous sembldbles. que tendent toutes les philosophie* <i | e stoïcisme entre toutes, -an- doute, chaque individu, étant PIIIIANTIIIIOPIK

doue de raison, est susceptible de devenir lui-même ce sage, et par suite a les mêmes droits tpie tous les autres ; mais la reconnaissance théorique de cette communauté de nature suffira souvent à ces morales antiques ; bien plus, on ne s’intéressera à autrui qui’ dans la mesure ou des mouvements tropvifsde sensibilité, amour, pitié, regret désespoir, ne risquent pas ,1,’ venir troubler la sérénité idéale ni compromettre la paix intérieure. Par suite encore la philanthropie reste chez les anciens plutôt une idée philosophique qu’un sentiment agissant et efficace ; el elle n’apparaît jamais qu’avec mesure, sous forme de pitié un peu dédaigneuse, rarement exempte de quelque retour orgueilleux sur soi-même ; et la même école qui élève le plus haut l’idée de l’humanité est celle qui semble prescrire en pratique l’indiffërence la plus sèche envers les hommes : il faut leur être bienveillant ou indulgenl plutôt que les aimer ; el Kpicfète ne veut pas qu’on s’attache à une femme ou à des enfants plus qu’aux coquillages que le matelot ramasse sur la rive, tout prêt à les rejeter au premier appel du pilote.

Avec le christianisme au contraire, c’est le sentiment qui triomphe, el l’idée philanthropique qui s’obscurcit ou se dénature. La morale chrétienne est essentiellement une morale d’amour, de « charité » brûlante et militante, se donnant sans compter, no se satisfaisant que dans la souffrance et le sacrifice : mais si, à sa flamme, s’est fondu l’orgueil stoïcien, en elle aussi s’est perdue la notion delà dignité de l’individu et de sa nature ; si tous les hommes sont frères, et tous dignes de notre pitié ou de notre aide, c’est moins en vertu de la noblesse humaine, qu’en tant (pie rachetés par le même sacrifice divin et confondus dans mu 1 même faiblesse et une même souillure originelles. L’homme réduit à ses seules forces est misérable et vil : il ne saurait trouver dans sa nature de quoi se relever ou se sauver ; c’est par un don purement gratuit de son amour, c’est par sa grâce que Dieu nous secourt ; et c’est de même par un pur don auquel ne correspond nul droit, par « charité », que nous devons secourir nos semblables. C’est donc Dieu seul qu’il faut aimer dans les créatures ; nous ne les aidons que pour humilier par là, et en elles et en nous, la nature humaine, et la purifier par les épreuves douloureuses, et la rendre inoins indigne du secours d’en haut. La charité sera des lors un devoir de l’homme envers Dieu, plus qu’envers ses semblables ; si grands que soient les maux humains, ils seront toujours conçus comme justes et mérités par notre indignité naturelle ; ils seront en même temps une condition du salut ; et l’on aura donc plutôt l’idée de les plaindre ou de les soulager, dans les manifestations individuelles qui s’en présentent à nous, que de les réparer ou de les prévenir dans leurs causes générales. De là, à coté de cette admirable ardeur de charité individuelle, une certaine indifférence, chez les chrétiens, aux conditions matérielles, politiques ou sociales de la vie humaine. Et ainsi la charité arrive à s’opposer presque à la philanthropie, parce qu’elle nait avant tout de cette double idée que la nature est mauvaise et que la douleur est bonne.

La philanthropie proprement dite renaît au contraire avec le naturalisme de la Renaissance et triomphe avec le xviii 6 siècle anglais et français. Elle y apparaît comme un sentiment essentiellement laïque, qui s’adresse àl’humanité seule et non à Dieu, et en quoi les libertins ou les alliées tendent à faire consister toute leur morale ; on se rappelle le mot de don Juan au pauvre qu’il a voulu faire blasphémer, et a qui il laisse son aumône « par amour de l’humanité ». Tandis, en effet, que le christianisme conçoit la nature humaine comme mauvaise, le svni e siècle tend à la trouver essentiellement bonne, digne par elle-même de notre affection et de nos bienfaits ; les maux que le moyen âge, tout en les secourant, trouvait en somme naturels et justes, les philanthropes modernes dépensent (les trésors de sensibilité a s’en indigner ou à les plaindre ; tandis que le chrétien, s’il soulage les infortunes corporelles, songe