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SCANDINAVIE

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se rattachent cependant assez bien — avec un plus grand souci de la forme — à ce groupe littéraire. Tous deux emploient une langue poétique d’une extrême pureté ; le premier a laissé des poésies lyriques d’une mélancolie poignante, une épopée et de beaux drames philosophiques ; le second un drame, le Glaive runique, accueilli avec enthousiasme, des poésies épiques et lyriques et des nouvelles.

C’est à l’école gothique, dont il est un des chefs malgré certaines sympathies classiques, qu’appartient l’évèque Esaias Tegnér (1782-1846), le plus illustre des poètes suédois. A une connaissance approfondie des antiquités classique et Scandinave et des littératures étrangères, il joint les dons naturels d’une imagination puissante et d’un goût très sur. Son œuvre, si l’on en écarte les Discours et la Correspondance, n’est pas considérable, mais a néanmoins exercé la plus grande influence sur tous les poètes qui ont suivi, parce que Tegnér a su être à la fois, sans aucun sacrifice, classique et romantique, et qu’il a donné à sa poésie un caractère vraiment national, vraiment Scandinave. Son Fritiof et son Axel synthétisent, si l’on peut dire, toutes les aspirations des écrivains du temps. A côté de lui, l’âme de la Société Gothique : Erik-Gustav Geijer (4783-1847), historien, poète, philosophe, musicien même, occupe un rang très élevé. Un amour ardent, mais non aveugle, pour la patrie suédoise, l’inspire en ses œuvres les plus diverses et donne à toutes une rare élévation de forme et de pensée ; Per-Henrik Ling (1776-1839| est lui aussi — avec A. -A. Afzelius(-j-1785- 1870), le traducteur de l’Edda, G.-V. Gumalius (1789- 1877), l’auteur du premier roman historique et national suédois, et quelques autres — un des Goths les plus enthousiastes ; il partage son temps entre la gymnastique, dont il est le rénovateur, et la poésie ; et pour s’être efforcé d’augmenter la vigueur physique chez ses compatriotes, il n’en est pas inoins un poète fort honorable dans ses chants en l’honneur des vieux héros de la Scandinavie et dans ses idylles.

Le second tiers du xix e siècle, de 1830 environ à 1870, est marqué en Suède, comme dans presque toute l’Europe, par le rapide développement des idées scientifiques et libérales. Entre les écoles littéraires la paix est faite ou à peu prés. Sous l’impulsion d’un journaliste libéral de grand talent, Lars llierta, le fondateurdu Journal du soir (Aftônbladet), qu’il dirige de 1830 à 1851 , la presse politique suédoise prend une extension et une importance inconnues jusqu’alors. Les établissements d’instruction publique de toutes natures se multiplient partout, et il n’est si petite bourgade qui n’ait son école primaire. Les philosophes, dont Kristofer-Jakob Bostrôm (1797-1866) est le chef incontesté, exposent librement leurs doctrines. Les historiens et les philologues comme Bror-Emil IliUlebrand (1806-84), Johan-Erik Hydqvist (1800-78), etc., poursuivent leurs savantes recherches avec un souci toujours plus grand de l’exactitude. Les sciences physiques et naturelles ont d’illustres représentants et la géographie cite avec fierté Adolf Nordenskiôld (né en 1832) entre autres. Parmi les romanciers et les poètes, nombreux sont ceux dont on lit encore aujourd’hui les œuvres avec plaisir, et parfois avec enthousiasme. Tels : Karl-Jonas-Love Almqvist (1793-1866), qui, dans ses œuvres lyriques, épiques, dramatiques, romanesques, philosophiques ou historiques, défend avec une ardeur souvent géniale, mais peu réglée, les idées de tolérance, d’égalité et de liberté ; Johan-Ludvig Huneberg (1804-77), finlandais et, avec Tegnér, le plus grand des poètes dont se glorifie la langue suédoise ; Karl-Vilhelm Bottiger (1807-78), poète lyrique et critique littéraire d’une grande finesse dans ses études sur Tegnér, Stagnelius, Kellgren, etc. ; Bernhard-Elis Malmstrom (1816-65), historien de la littérature lui aussi, et auteur de ballades et d’élégies d’une intense émotion ; Johan Nybom (1815-89), un des plus distingués disciples de Tegnér ; K.-V.-August Strandberg (ou Talis Qualis, 1818-77), poète patriote dont l’ardeur se calma un peu avec l’âge et traducteur émérite — ainsi que le shakespearien Karl-August Hagborg (1810-64) — des poètes étrangers, de Byron entre autres ; Karl-Anton Wetterbergh (ou Onkel Adam (1804-89), auteur de nouvelles et de romans d’une langue très simple et familière, mais non sans saveur : August Blanche ( I SI 1 68), écrivain dramatique et feuilletoniste, qui réussit particulièrement dans la comédie et dans ses contes d’une juste observation et d’un amusant réalisme ; Erederika Bremer (1801-65) et Emilie Elygare-Carlén (1807-92), romancières toutes deux, et qui, toutes deux, ont eu en Europe leur temps de célébrité ; Oskar-Patrik Sturzen-Becker (1811-79), romancier plein d’humour et poète de mérite ; Viktor Bydberg (1828-95), le plus artiste peut-être des poètes suédois de premier rang, dont il est, romancier avec cela, historien et critique de la plus haute valeur. Tous ceux-là sont morts. Parmi les vivants, quelques-uns encore appartiennent à cette génération, dont les œuvres principales parurent avant 1870 : Gunnar Wennerberg (né en 1817), chantre humoristique de l’étudiant d’f'psal et poète patriote ; Zacharias Topelius (né en 1818), finlandais, successeur de Runeberg, dont il approche parfois sans jamais l’égaler ; Frans Hedberg (né en 1828), dont les pièces déjà anciennes plaisent toujours au public suédois ; Oscar II (né en 1829), roi libéral, poète distingué et grand orateur ; Carl-Rypert Nyblom (né en 1832), professeur de littérature et d’esthétique à Upsal, poète plein de fraîcheur et de sentiment.

Trois noms dotniuent les autres dans la littérature contemporaine et en marquent trois moments divers et successifs. Ce sont ceux de Snollsky, de Strindberg et de Heidenstamm. Le comte Carl-Johan-Gustaf Snoilsky (né en 1841), poète d’un réalisme pittoresque et d’un robuste sensualisme, chanteur enthousiaste de l’Italie, qu’il décrit superbement, débuta en 1862 par un recueil de vers dont le succès fut extrême. Les œuvres qui suivirent répondirent à l’attente générale, et encore aujourd’hui — qu’avec la variété des sujets sa manière toujours brillante s’est élargie — il est sans conteste le prince des poètes suédois. Jusque vers 1880, aucun écrivain n’attire autant que lui l’attention du public lettré. C’est alors qu’August Strindberg (né en 1849) publie son premier roman la Chambre rouge, qui est comme le manifeste de l’école réaliste et naturaliste en Suède. Autour de lui se groupent les jeunes littérateurs. Son génieàpre, brutal, intransigeant, qui continuellement déconcerte, semble indiscutable. Son influence sur ses contemporains est prépondérante pendant dix ans environ, jusqu’au jour ou parurent les Années de pèlerinages (1888) et Endymion (1889) de Verner von Heidenstam (né en 1859), œuvres d’un tour tout personnel et qui révelaien un écrivain à la palette d’une extraordinaire richesse, épris de haute poésie, idéaliste et rêveuse, mystique et symbolique. Ses derniers ouvrages : Hans Alienus ( 18 : 2), lesCarolins (1897-98), Pensées et Dessins (1899)1 l’onl fait qu’accroître son autorité sur la génération prése ite.Cesont là les chefs, mais d’autres sont très près d’eu : et sont parfois leurs heureux rivaux. A côté de Snoilsky. il convient de nommer Cari-David af Wirsén (né en 1842), poète d’un spiritualisme délicat, et critique d’une intransigeance hautaine dans sa lutte contre les jeunes écoles ; à côté de Strindberg, moins violents que lui et d’une psychologie plus raffinée : Anne-Charlotte Edgren-Leffler (1849-92). Ernst Ahlgren (pseudonyme de Victoria Benedictsson, 1850-88), Gustaf af Geijerstam (né en 1858) etTor Hedberg (né en 1861), romanciers et dramaturges, les derniers surtout, d’une réelle valeur ; à côté de Heidenstam, Oscar Levertin (né en 1861), son ami et à l’occasion son collaborateur, poète d’un mysticisme exquis, harmonieux et délicat entre tous, et critique aussi perspicace et sûr que brillant. La « Jeune Suède», que la « Jeune Norvège » a fait trop négliger, compte encore bien des écrivains charmants