Boèce, fut le fonds de l’enseignement de l’arithmétique au
moyen âge ou elle faisait partie avec la musique, la géométrie
et l’astronomie, du quadrivium scientifique. Vers
la fin du 111 e siècle de notre ère, Diophanle composait enfin,
sous le nom d’Arithmétiques, un recueil de problèmes
numériques, où l’on trouve ù la fois et les principes de
l’algèbre élémentaire et des questions d’analyse indéterminée
du second degré et au delà, qui appartiennent à la
théorie des nombres. Ces divers problèmes avaient déjà
été traités bien avant lui, mais étaient considérés comme
du ressort de la logistique, en tant que celle-ci s’étendait
à toutes les opérations du calcul. L’innovation que marque
le titre adopté par Diophante n’eut pas d’ailleurs de suites
immédiates, en raison de la décadence des études. 11 ne
nous reste aucun traité de logistique grecque et nous ne
pouvons apprécier avec exactitude ni son développement,
ni son caractère. D’abord négligée comme purement pratique,
elle dut subir une protonde transformation, lors de
l’invention du système alphabétique de numération écrite,
lequel ne parait pas antérieur au 111 e siècle avant notre ère
et semble avoir été combiné à Alexandrie. A partir de ce
moment, elle a sans doute été cultivée plus sérieusement,
mais sans prendre le caractère apodictique qu’on trouve
au moins dans les analyses de Diophante. Son cadre devait
comprendre, mais probablement sans théorie aucune,
l’enseignement de la numération, des quatre règles et de
l’extraction des racines sur les entiers, le calcul des fractions,
enfin la solution de problèmes types, plus ou moins
compliqués, d’ailleurs généralement sous forme concrète
et dont l’énoncé était souvent arrangé en historiettes. Un
certain nombre de ces énoncés (généralement du premier
degré à une inconnue) nous ont été conservés sous forme
d’épigrammes, dans V Anthologie grecque. C’est d’ailleurs
la même forme concrète, toujours perpétuée dans l’enseignement
primaire, qui se retrouve partout à l’origine aussi
bien dans le manuel d’Ahmès (Papyrus de Rhind, édité
par Eisenlohr) chez les Egyptiens que dans les ouvrages
arithmétiques des Hindous. Il faut d’ailleurs remarquer
que les calculs astronomiques, avec l’emploi delà numération
sexagésimale, qui remonte aux Chaldéens, étaient enseignés
spécialement en astronomie. Sur ces calculs chez
les Grecs, nous possédons des renseignements relativement
assez complets, quoiqu’une partie des textes y relatifs
soit encore inédite et que les autres n’aient pas encore été
l’objet de travaux suffisants de la part de la critique moderne.
Les Arabes, disciples des Grecs pour les autres
sciences, et qui gardèrent toujours le môme système de
numération en astronomie, adoptèrent au contraire, pour
l’arithmétique ordinaire, le système de position qu’ils empruntèrent
aux Hindous et qu’ils transmirent à l’Occident,
sans avoir produit, sur la matière, des travaux réellement
originaux, niais après avoir ébauché quelques essais de
démonstra lions théoriques d’après les modèles grecs. Dans
l’Occident latin, des procédés particuliers de calcul, dont
la véritable origine est encore inconnue, apparaissent vers
le x e siècle, liés à l’emploi de Yabacus, dont le nom devint
synonyme de calcul. Après une lutte de près de deux
siècles, ces procédés disparaissent devant ceux de Y algorithme,
c.-à-d. du système de numération de position,
enseigné d’après les traductions faites sur l’arabe de
Mohammed al-Khârizmî. Au commencement du xm e siècle,
le Liber Abaci de Léonard de Dise est un traité complet
de calcul, embrassant la solution de problèmes numériques
de tout genre, premier et second degré, analyse indéterminée
de Diophante.
Ce n’est guère qu’à la Renaissance que le nom d’arithmétique commença à s’étendre à la pratique aussi bien qu’à la théorie. L Arithmelica intégra de Stifel ne dépasse pas d’ailleurs le cadre antérieurement tracé, sauf par l’addition des carrés magiques, invention probablement hindoue, qui fut cultivée par les Arabes, et aussi par les Byzantins (Manuel Moschopoulos). Mais co cadro comprenait en fait, pour la pratique, toute l’algèbre d’alors ; celle-ci ne com-
mença à s’isoler qu’après les travaux décisifs de Viète, qui
essaya d’ailleurs vainement de lui appliquer le nom ancien de
logistique. La séparation reste encore assez indécise pendant
tout le xvn e siècle, comme en témoignent les titres d’Arithmétique
des infinis, de Wallis, à ! Arithmétique universelle,
de Newton. Le même siècle voit, d’une part, se
compléter les programmes de l’arithmétique moderne par
l’invention des logarithmes, d’un autre côté, s’ouvrir, à la
suite des travaux de Fermât sur Diophante, un nouveau
champ, qui lui fut enlevé, au xviu e siècle, par la constitution
de la Théorie des nombres. Actuellement, le nom
d’arithmétique est réservé aux matières d’un enseignement
élémentaire, dont il est aussi facile de se rendre compte
par un programme officiel qu’il serait impossible d’en
préciser le caractère véritable et d’en circonscrire l’étendue
d’après des principes rationnels. Moitié théorique, moitié
pratique, elle comprend en fait l’ensemble des connaissances
relatives aux nombres et au calcul que l’on considère
comme devant être exigées dans l’éducation libérale ; mais
elle ressemble plutôt, sauf son caractère apodictique, à la
logistique des Grecs qu’à leur arithmétique. Il n’y a plus à
attendre de nouvelles découvertes dans son domaine
propre, et les progrès ne peuvent concerner que l’exposition ;
mais ces progrès mêmes sont entravés par les besoins
pratiques de l’enseignement primaire et par le préjugé,
difficile à combattre, que l’arithmétique des écoles primaires
doit être la même que celle de l’enseignement
secondaire, où il y aurait cependant à satisfaire à des besoins
tout autres, si l’on se préoccupait surtout, comme
il le faudrait, de donner aux élèves les habitudes d’esprit
propres à leur faciliter l’accès des études théoriques plus
élevées.
Il est évident que l’enseignement pratique du calcul doit précéder toute théorie ; c’est un outil que l’enfant peut acquérir et qu’il est bon qu’il possède avant d’être réellement capable de faire un raisonnement mathématique abstrait. On continuera de même toujours à l’exercer à l’application de ces règles, si nombreuses au moyen âge, et portant alors les noms les plus singuliers, maintenant réduites au strict minimum, mais dont il est toujours essentiel, dans la vie usuelle, de pouvoir se servir machinalement. L’usage des logarithmes est tellement avantageux qu’on peut même le lui enseigner, en ne lui donnant qu’une notion incomplète des raisons de cet usage. 11 n’en est pas moins clair que tout ce qui en arithmétique est théorie, doit, au point de vue rationnel, se traiter avec les procédés que l’on considère comme propres à l’algèbre et qu’il n’y a aucune distinction tranchée entre cette dernière science et l’arithmétique, en tant du moins qu’il s’agit du nombre en général, abstraction faite de telle forme particulière. Veut-on considérer les nombres entiers comme formant le domaine propre et exclusif de l’arithmétique et revenir ainsi à la conception des Grecs ? On peut en effet constituer ainsi une science qui parait bien déterminée au premier abord ; mais cette science, c’est-à-dire la théorie des nombres augmentée des théorèmes préliminaires, ne sera plus un ensemble de connaissances dérivant de principes primordiaux et indépendants. Ce sera une branche dépendant d’une mathématique générale, de la science de la quantité abstraite et des moyens de la représenter et de la traiter, science dont l’algèbre sera une autre branche, également détachée du tronc commun. D’un autre côté, les relations singulières, découvertes dans notre siècle entre les parties les plus élevées de la théorie des nombres et celles de la théorie des fonctions, prouvent que la démarcation entre l’arithmétique théorique et l’algèbre s’efface aux degrés supérieurs comme aux inférieurs. C’est (pie l’objet delà mathématique abstraite est un, en fait, et que les divisions auxquelles on le soumet ont nécessairement un caractère artificiel. Autant elle est essentiellement distincte do la mathématique figurée dans la géométrie, autant elle se prête mal, dans son domaine propre, à des subdivisions rationnelles. Celles que la tradition impose n’ont qu’une