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ARISTOTE
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portant toutes les étoiles, le ciel des planètes se compose d’une multiplicité de sphères ; car les mouvements des planètes, relativement irréguliers, supposent une multiplicité de moteurs dont les actions se combinent entre elles. Les êtres autres que les astres fixes sont faits des quatre éléments. Chaque élément a son mouvement propre, qui est la marche rectiligne vers son lieu naturel. De là le poids et la légèreté. Le poids est la tendance de chaque corps à suivre sa direction propre. Il n’est pas possible de dire, avec Démocrite, que tout mouvement résulte purement et simplement d’un choc, et ainsi à l’infini. Il faut s’arrêter dans la régression, du moins sans l’ordre logique. Le mouvement né de la contrainte suppose le mouvement spontané. — Le propre de l’élément terrestre est de se porter vers le centre. De là la situation de la terre, immobile au centre de l’univers. La terre est sphérique. Ses éléments sont entre eux dans une double opposition, de poids et de qualité. D’une part, ils sont lourds ou légers ; d’autre part ils sont chauds ou froids, secs ou humides. Il résulte de cette opposition que les éléments de la terre se changent constamment les uns dans les autres. La chaleur et la lumière sont engendrées par le frottement que fait subir à l’air l’extrême vitesse des sphères célestes. À cause de l’inclinaison de l’écliptique, la production de la lumière et de la chaleur a lieu dans une mesure ditférente aux différentes régions de la terre et aux différentes époques de l’année. C’est l’origine du circulus de la génération et de la destruction, cette image de l’éternité dans la nature périssable. L’action va de la périphérie au centre, le ciel des fixes étant comme la forme suprême, la terre comme la matière infime. Par l’action réciproque des deux puissances actives, qui sont le chaud et le froid, et des deux puissances passives, qui sont l’humidité et le sec, se forment les différents corps minéraux et corps organisés. Les êtres terrestres forment une hiérarchie, depuis l’être le plus voisin de la matière brute jusqu’à l’homme masculin. Chaque forme inférieure est la base des formes supérieures, chaque forme supérieure est l’achèvement relatif des formes inférieures. Les principaux degrés de la hiérarchie sont représentés par les corps sans vie, les plantes, les animaux et l’homme.

XII. Astronomie (Sources : De Cœlo ; Métaph., XII, 8). — Aristote s’est beaucoup occupé d’astronomie. Simplicius nous dit, d’après Porphyre, que, en vue de ses études dans cette science, Aristote reçut de Callisthène les observations astronomiques faites par les Chaldéens à Babylone, notamment des observations remontant à 1900 ans avant Alexandre. Aristote lui-même nous dit qu’il utilisa les observations, remontant à une haute antiquité, des Egyptiens et des Babyloniens. Il avait écrit un Άστρνομικόν, qui est perdu. — Tous les êtres célestes, selon Aristote, sont sphériques. Le premier ciel, ou ciel des étoiles fixes, est une sphère. Les planètes sont mues par des sphères ; la terre est sphérique. Tout mouvement simple est un mouvement de rotation autour d’un axe. Le ciel des fixes n’a qu’un mouvement. Le ciel des planètes (Saturne, Jupiter, Mars, Vénus, Mercure, Soleil, Lune), en a plusieurs pour chaque planète. La terre n’a pas de mouvement. Aristote paraît être l’auteur de la doctrine de la sphéricité de la terre, comme de la juste explication des phases de la lune. Il travailla, en commun avec l’astronome Callippe, à compléter et à rectifier la théorie des sphères d’Eudoxe, qui était le premier astronome du temps, et la théorie de Callippe lui-même. Voici le résumé de sa théorie. Il faut, dit Aristote avec Platon, lequel suivait en cela Eudoxe et Callippe, admettre, et le nombre de sphères, et, pour ces sphères, le mode de mouvement nécessaire pour expliquer, sans autres éléments que des mouvements rotatoires uniformes, les révolutions des planètes, telles qu’elles se manifestent à l’observation. En posant ainsi le problème, Eudoxe arrivait à supposer vingt-six sphères, Callippe trente-trois. Aristote admet le chiffre de Callippe. Mais comme, dans sa philosophie, les sphères extérieures sont aux intérieures ce que la forme est à la matière, il lui faut ajouter des sphères antagonistes, pour que chaque sphère extérieure n’imprime pas son mouvement à toutes les sphères qui lui sont intérieures, comme fait la sphère des étoiles fixes, il y a donc, pour chaque planète, autant de sphères antagonistes qu’il en faut pour annuler l’action des sphères planétaires extérieures. Ces sphères supplémentaires sont au nombre de vingt-deux, lesquelles, ajoutées aux trente-trois de Callippe, font cinquante-cinq sphères. Que si l’on estime que le soleil et la lune, très éloignés des autres planètes, n’ont pas besoin de sphères antagonistes, le nombre total des sphères sera réduit à quarante-sept. Voilà, dit Aristote, ce qui est vraisemblable. Quant au nécessaire, nous en laissons l’affirmation à plus hardi que nous. À chacune de ces sphères le mouvement doit être communiqué, comme au premier ciel, par une substance incorporelle, un esprit, un dieu. Les astres, fin des mouvements des sphères, en sont d’ailleurs, par là même, les causes véritables. Les astres sont ainsi des êtres animés, raisonnables, supérieurs à l’homme.

XIII. Météorologie (Source : Meteorologica). — La météorologie avait été beaucoup cultivée depuis Thales. Aristote a profité des travaux de ses devanciers, mais il a fait aussi des recherches originales dans l’esprit de sa propre philosophie. Les phénomènes météorologiques résultent, selon lui, de l’action des quatre éléments les uns sur les autres. Conformément à la nature de ces éléments, les résultats de leur action mutuelle sont moins déterminés, obéissent à des lois moins rigoureuses que les phénomènes qui se produisent dans le premier élément ou éther. C’est pourquoi Aristote cherche pour les météores des explications principalement empiriques et mécaniques. Il fait jouer un rôle prépondérant à la chaleur. Il explique à ce point de vue les comètes, la voie lactée, les nuages, les brouillards, les vents, les rapports des mers et des continents, la formation de la mer ; et ses explications témoignent souvent d’une observation exacte et d’un raisonnement habile. Les vents, par exemple, sont expliqués par les exhalaisons qui traversent l’atmosphère et la chaleur du soleil. Les tremblements de terre sont dus à l’action de gaz souterrains. L’arc-en-ciel n’est qu’un phénomène de réflexion : les gouttelettes des nuages font, à l’égard de la lumière du soleil, l’office de miroirs. Ces recherches sont toutes théoriques : Aristote ne songe pas à en tirer partie pour la prédiction des phénomènes.

XIV. Minéralogie (Sources : Meteorologica, IV. Voir aussi les quelques indications qui nous restent sur l’ouvrage perdu περί μετάλλων, lequel était peut-être d’Aristote, mais plus vraisemblablement de Théophraste). — Les minéraux sont les corps homogènes qui demeurent tels, et ne s’organisent pas en individus composés de parties différentes. Ces corps sont formés par le froid et la chaleur, combinant ou désagrégeant, en tant que propriétés actives, l’humide et le sec, qui jouent le rôle de propriétés passives.

XV. Biologie générale (Sources : Historia animalium ; De partibus animalium ; De generatione animaiium ; De anima ; les Parva naturalia, notamment De longitudine et brevitate vitæ. Le De plantis n’est sans doute pas d’Aristote, mais il est né de son enseignement. Aristote cite aussi son traité d’Anatomie, ouvrage perdu : c’étaient des descriptions avec figures anatomiques). — La biologie est une partie considérable de l’œuvre scientifique d’Aristote. Sans doute il a pu utiliser maints travaux de ses devanciers, notamment de Démocrite, mais il les a tellement dépassés qu’il apparaît comme le véritable créateur de la biologie chez les Grecs. Il procède avant tout par observation, la détermination des phénomènes devant précéder la recherche des causes. À l’observation pure et simple, il paraît avoir joint la dissection. Il va de l’anatomie à la physiologie ; et il appuie, d’une manière générale, la biologie sur la physique, en lui donnant pour base la connaissance des quatre éléments. Il a abordé, non