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ABADIE — ABAILARD
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édifices diocésains (1872), architecte du diocèse de Paris (1874), architecte diocésain de Bordeaux (1881), suffisant à toutes ces fonctions au milieu de travaux nombreux et compliqués, grâce à une énergie peu commune, à une sorte de vaillance juvénile qu’il conserva jusqu’au dernier jour. — Chevalier de la Légion d’honneur en 1856 et promu officier le 14 août 1869, Abadie, était entré à l’Institut le 9 janvier 1875. Olivier Merson.

ABADIOTES ou ABDIOTES. Peuplade issue des Sarrazins, qui habite l’île de Candie depuis le ixe siècle. Elle vit, au sud du mont Ida, de l’élevage des troupeaux. Elle comprend environ 4,000 personnes qui peuplent vingt villages.

ABADIR ou ABADDIR. L’un des noms que portaient les pierres sacrées chez les Phéniciens. Le grammairien Priscien, qui cite ce terme à plusieurs reprises dans ses Institutions, le donne comme synonyme du mot « bétyle » (Instit. VII, xxix, p. 213, éd. Keil), et saint Augustin nous apprend que les abaddirs étaient adorés comme des divinités en Afrique (Epist. XVII ad Maxim. Madaur., t. II, part. I, p. 21). Le culte des abaddirs, comme en général le culte des pierres sacrées, est d’origine orientale. Le nom lui-même est certainement sémitique, le témoignage de saint Augustin est formel à cet égard, quoique l’étymologie en soit douteuse. On le fait venir des deux mots ab addir « pater magnus ». Le mot adar ou addir est employé comme épithète de certaines divinités ; c’était même le nom propre d’un des grands dieux du panthéon sémitique, Adar, qui correspondait à Saturne. D’autres auteurs y ont cherché le mot eben « pierre » (eben dôr = abaddir). Le mot abaddir a passé dans la mythologie grecque où nous le retrouvons comme nom propre de la pierre que Saturne dévora au lieu de Jupiter (V. Bétyle).Ph. B.

ABADZAS. Autre forme du mot Abazes (V. ce mot).

ABÆ. Ville de Phocide, siège d’un très ancien oracle d’Apollon, que consultèrent Crésus et Mardonius. Le temple, incendié une première fois par les Perses, fut détruit par les Thébains durant la deuxième Guerre sacrée (355-346). Hadrien le rebâtit dans des proportions plus modestes, mais sans rétablir les consultations divinatoires. (Sur les ruines d’Abæ, V. Leake, Travels in northern Greece, II, p. 163 et suiv.)

ABAFFY (Prince de Transylvanie) (V. Apaffy).

ABAI (Bot.) (V. Chimonanthus).


ABAILARD (Pierre). I. Histoire. — (Othon de Frisingen écrit Abailardus ; on trouve aussi Abaielardus, Abaulardus, Belardus, et en français Abélard, Abeillard, Abayelart, Abaalarz et même Baillart.) — Philosophe et théologien scolastique, né en 1079 au bourg du Pallet à 20 kil. au sud de Nantes, sur la route de Nantes à Poitiers, mort à l’abbaye de St-Marcel près Chalon, le 21 avril 1142. Son père, Bérenger, un seigneur fort noble et fort instruit, et sa mère Lucie saluèrent avec enthousiasme la naissance de ce premier né ; puis, d’autres enfants vinrent successivement s’ajouter au cercle de famille : trois fils, Raoul, Porcaire et Dagobert ; une fille, Denyse. Ce fut Bérenger lui-même qui s’adonna à l’instruction de ses enfants. Pierre avait vingt ans quand il arriva à Paris. Il est aujourd’hui prouvé qu’Abailard avait été disciple d’abord du nominaliste Roscelin, puis du réaliste Anselme de Laon, et qu’il commença par professer la dialectique. Il établit son école sur la montagne Sainte-Geneviève et attira autour de lui une foule d’auditeurs. Le peuple le vénérait, et l’évêque de Paris lui-même s’inclinait devant son passage. Abailard vivait alors chez le chanoine Fulbert. Ce chanoine avait pour nièce une très jeune fille nommée Héloïse. Elle était née à Paris en 1101, de famille noble, et sa mère, Hersende, était alliée aux Montmorency. Son éducation avait été faite au couvent d’Argenteuil. Fulbert pria Abailard de terminer et de parfaire l’éducation de sa nièce. « Que dirai-je de plus, écrit Abailard à ce sujet ; nous n’eûmes qu’une maison, et bientôt nous n’eûmes qu’un cœur. » (Abailardi opera, lettre I, page 11.) C’est à cette époque, et en l’honneur d’Héloïse, que le jeune docteur commença à écrire des vers en langue vulgaire, ou barbare, comme on disait alors. Son enseignement s’en ressentit. Peu de temps après, Héloïse s’aperçut qu’elle était grosse. Elle fit part de cet événement à Abailard qui vint la chercher une nuit, et l’emmena en Bretagne, chez sa sœur Denyse. C’est là qu’elle mit au monde un fils qui fut nommé Pierre Astrolabe. Abailard voulut alors épouser Héloïse, mais celle-ci refusa de consentir à ce mariage. Elle prétendait que cette union deviendrait fatalement, par la suite, funeste à celui qu’elle aimait. Il est très intéressant de consulter à ce sujet la correspondance des deux amants. Héloïse représente à son amant que les hommes de génie n’ont que faire de s’embarrasser d’une famille, et elle fortifie son argumentation de preuves et de textes tirés des théologiens latins ou grecs. Mais on croit cependant que, devant la ténacité d’Abailard, elle finit par céder et que le mariage fut célébré.

C’est alors que Fulbert mit à exécution les desseins qu’il méditait depuis longtemps. Après avoir gagné un serviteur d’Abailard qui lui ouvrit la porte de la maison, il se précipita, accompagné de ses amis et de ses proches, dans la chambre où dormait le jeune docteur ; puis, après l’avoir lié de cordes, il lui fit, aidé de ses complices, subir l’effroyable supplice de la castration. Abailard était désormais mort pour le monde. Sur ses instances, Héloïse se décida à prononcer ses vœux définitifs, au monastère d’Argenteuil, et il ne tarda pas à l’imiter (1119). Puis, recommençant son enseignement, il rouvrit son école au prieuré de Maisoncelle, sur les terres du comte de Champagne. La renommée l’y avait précédé, et plus de trois mille étudiants se pressaient à ses leçons. Ses doctrines furent déclarées hérétiques au concile de Soissons (1121). Toutefois, sur les instances de saint Bernard, Abailard se soumit à tout ce qu’on voulut de lui. Sur ces entrefaites, Hervé, abbé de Saint-Gildas de Rhuys, en Bretagne, vint à trépasser, et, grâce à l’influence du duc Conan IV, les moines élurent Abailard. Mais ce dernier, avant de se rendre à Saint-Gildas, s’était décidé à fonder un vaste monastère, le Paraclet, à l’instigation de son ami Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, qui voulait achever de le détacher des gloires terrestres. Bientôt, le Paraclet s’éleva sur les rives de l’Ardusson. Or, les religieuses d’Argenteuil avaient à ce moment maille à partir avec Suger, qui prétendait les expulser de leur monastère. Quand cette expulsion fut un fait accompli et que l’ordre fut dispersé, Abailard invita à venir s’établir au Paraclet, Héloïse et celles de ses compagnes qui lui étaient demeurées fidèles (1129). Cette donation fut confirmée presque immédiatement par Atton, évoque de Troyes, et plus tard par le pape lui-même, qui la déclara inviolable sous peine d’excommunication. Pendant ce temps, Abailard, définitivement retiré à Saint-Gildas, faisait pourtant au Paraclet de fréquentes visites, s’occupait de la règle et de l’administration intérieure du couvent et fixait toute cette ordonnance dans ses lettres à Héloïse, car il continuait à voir fort rarement la nouvelle prieure. — Cependant les moines de Saint-Gildas se révoltèrent, essayèrent d’égorger leur abbé, qui dut fuir par un souterrain. Abailard se réfugia alors au Paraclet. Il y écrivit sa célèbre Historia calamitatum. Ce fut certainement le temps le plus tranquille et le plus heureux de sa vie. Mais bientôt, en 1136, il recommença son enseignement public sur la montagne Sainte-Geneviève, et fut de nouveau accusé d’hérésie ; saint Bernard rédigea une liste de propositions dont il se faisait fort de démontrer l’hérésie. Cette fois, Abailard lui tint tête. Il assigna son adversaire devant le concile qui s’ouvrit à Sens, le 2 juin 1140. Mais quand il vit que tous les juges étaient de l’avis de saint Bernard, il prit peur et s’enfuit de l’église, en déclarant qu’il ne reconnaissait point l’autorité du concile, et qu’il en appelait au pape. Ce dernier répondit par une bulle qui condamnait