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PRÉFACE

Ce problème, d’Alembert, Ampère, Auguste Comte, puis Herbert Spencer et bien d’autres ont essayé de le résoudre.

Mais une question se pose d’abord : Y a-t-il réellement, d’après la nature même des faits, une classification des sciences entre elles ?

Les sciences sont-elles reliées les unes aux autres par des liens nécessaires ? Y a-t-il entre elles d’autres relations que celles qui résultent de l’ordre dans le développement historique et dans les contacts inévitables, le même fait pouvant être envisagé et étudié à divers points de vue ?

Ou bien cet ordre de la nature n’est-il qu’une apparence ? Ces lois ne sont-elles que le reflet des lois de l’entendement humain ? Et ne voyons-nous les faits extérieurs qu’à travers le prisme des formes intellectuelles ?

En un mot, y a-t-il ou non des lois ? Telle est la question qui se pose au seuil de la classification générale des sciences.

L’encyclopédiste doit y répondre affirmativement ou renoncer à poursuivre son œuvre.

Et pour emprunter une expression familière aux physiciens, pour lui tout se passe comme s’il y avait effectivement dans la nature des choses un ordre réel et permanent, comme si les sciences représentatives de cette nature étaient liées entre elles par des rapports nécessaires.

À quelle classification doit-il donc s’arrêter ?

Car les philosophes en ont essayé plusieurs, fondées sur des considérations diverses et de valeur presque égale.

***

Dès l’antiquité, en dressant un arbre ou table des idées générales, PORPHYRE avait tracé un commencement de classification des sciences.

Mais le problème n’a été véritablement et utilement posé que par le chancelier BACON, dont l’arbre généalogique des sciences humaines a été repris, à quelques modifications près, par d’ALEMBERT, dans le discours préliminaire de l’Encyclopédie.

Après avoir fait observer qu’une œuvre de cette nature comporte toujours une part inévitable d’arbitraire, d’Alembert divise les objets de nos connaissances en deux grandes catégories, les objets spirituels, qui n’ont d’existence que par l’esprit, et les objets matériels.

À ces deux ordres de choses correspondent deux espèces d’idées, les idées directes et les idées réfléchies.

Il suit de là que l’esprit humain emploie dans ses spéculations trois procédés.

Il se souvient, par la mémoire, d’idées ou d’objets antérieurement perçus.

Il juge et discute, par la raison, sur ces idées et sur ces objets.

Il crée, par l’imagination, des objets analogues à ceux qui existent dans la nature.

Ces trois facultés maîtresses de l’esprit humain sont, d’après D’ALEMBERT, les termes principaux de l’arbre encyclopédique :

La MÉMOIRE donne naissance à l’HISTOIRE sacrée, ecclésiastique, civile, littéraire, artistique.

La RAISON agit par la PHILOSOPHIE, d’où dérivent : l’ontologie ou métaphysique générale, la théologie, la pneumatologie ou métaphysique particulière, la physique générale et les mathématiques.