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PORTRAITS DE WAGNER.

légèrement argentés. La tête est la même, énergiquement taillée à angles aigus. Une tête de reître. Les gestes sont restés brusques comme des coups de rapière et sa langue a conservé la volubilité d’un moulin. C’est un nerveux, un passionné ; quelque chose comme un Orlando musical. Il est toujours furieux, il a toujours l’air de se battre, ou de prêcher une croisade. Il est en éruption continuelle. Dans tout ce qu’il fait, dans tout ce qu’il dit, il y a un mélange de lave, de flamme et de fumée. La première fois qu’on approche de cet homme-volcan, il semble que l’on sent le brûlé, et l’on est tenté d’appeler les pompiers. Sa personnalité se dégage, haute et violente, comme celle d’un sublime extravagant.


À part la tête de reître, comparaison quelque peu risquée, voici un portrait qui nous fait pénétrer dans l’intimité physique de l’homme, qui nous imprègne réellement de son atmosphère. C’est, si l’on veut, l’exagération des traits et de la personne, une sorte de portraiture grotesque, mais qui, pour moi, a ceci de fort précieux, de se trouver complètement d’accord avec les portraits-charges que nous allons voir défiler tout à l’heure.

Du reste, cette impression de nervosisme, d’agitation extra-humaine, de mouvement perpétuel, en quelque sorte, sera également partagée par M. Catulle Mendès lorsqu’il ira visiter Wagner en séjour à Triebschen, près de Lucerne. Voici, en effet, de quelle façon le journaliste parisien s’exprimait sur le compte du musicien allemand :


À peine descendus de wagon, nous vîmes un grand chapeau de paille, et, dessous, une face pâle dont les yeux regardaient à droite, à gauche, très vite, avec un air de chercher.

C’était lui. Intimidés, nous le considérions sans oser faire un pas.

Il était petit, maigre, étroitement enveloppé d’une redingote