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PORTRAITS DE WAGNER.

Mais d’abord, pourquoi ne pas demander à Wagner lui-même, à Wagner qui, paraît-il, s’amusait quelquefois à prendre le pinceau pour peindre sa propre effigie, un portrait du musicien partant sans argent en poche, avec sa femme, pour Paris où il ne connaissait personne. Voici, en effet, comment il dépeignait dans La Fin d’un musicien à Paris, nouvelle écrite en 1840, le héros chargé de le représenter :

Ce qu’il avait de plus remarquable c’était un magnifique chien de Terre-Neuve. Quant à lui-même, il était beaucoup moins beau à voir que le chien ; il était proprement habillé, mais Dieu sait avec quelle mode de province !... Son cœur était tendre ; la vue des chevaux geignant sous le fouet, en glissant sur les pavés de Paris, lui faisait venir les larmes aux yeux. Il était patient et ne s’emportait jamais quand d’un trottoir étroit un gamin le faisait tomber dans le ruisseau. Malheureusement il avait une conscience artistique délicate ; il était ambitieux, mais sans talent pour Fintrigue ; enfin dans sa jeunesse, il avait vu une fois Beethoven, ce qui lui avait fait tourner la tête à tel point qu’il était impossible qu’il pût se trouver à sa place dans Paris.

Un grotesque au point de vue du costume, un sentimental qui eût été certainement l’agent le plus actif de la Société protectrice des animaux (1), le monsieur timide qui a approché du grand homme, tel était donc Wagner sous le tromblon de 1840 ; tel est le jeune musicien qu’on peut se représenter sous le passe-partout au filet d’or du daguerréotype. lia une belle cravate, tient d’une main des gants, raides comme sa personne, tandis que Fautre porte un parapluie ventru, signe proverbial de candeur et d’honnêteté.

(I) Il devait en faire partie par la suite.