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RICHARD WAGNER EN CARICATURES.


III
Liszt


Liszt, haute intelligence, artiste d’une rare noblesse de sentiments, fut, on le sait, pour Wagner un ami dévoué, on pourrait presque dire un père. Non seulement c’est par ses soins que Tannhäuser et Lohengrin furent joués, mais encore c’est lui qui, en 1849, recueillit sous son toit hospitalier, Wagner alors poursuivi comme dangereux ennemi de l’ordre, à la suite de certain discours prononcé à Dresde.

Peu après, lorsque l’allure toute nouvelle des opéras de son protégé divisa en quelque sorte les musiciens allemands en deux camps, Listz, dit M. Maurice Kufferath, se plaça à la tète des partisans du novateur avec toute l’autorité que donnaient à sa plume sa renommée de virtuose, son incomparable puissance de séduction et la rare universalité de son esprit. Il réunit en brochure, en les développant, les articles qu’il avait précédemment écrits sur Tannhäuser et Lohengrin, et les publia simultanément en français et en allemand.

« Il fit mieux encore, poursuit le biographe que je me fais un plaisir de citer. L’œuvre ainsi attaquée, il la reproduisit malgré cabales et quolibets ; il la remit en scène, il la maintint au répertoire, il la répandit autant qu’il fut en son pouvoir. Toutes les ressources de sa diplomatie, toutes les séductions de son rare esprit et de sa personne, il les mit au service du compositeur indignement attaqué, et le triomphe de ses efforts fut d’intéresser les cours et les princes à l’œuvre de cet artiste que la police et ses adversaires cherchaient à faire passer pour un échappé des barricades, pour un révolutionnaire dangereux digne de la prison et du bagne. Dans cette entreprise, il eut, il faut le dire, une puissante alliée, la grande-duchesse Maria-Paulowna de Saxe-Weimar, mère du grand-duc actuellement régnant. C’est à cette princesse que Liszt avait dû sa place de maître de chapelle à Weimar, et c’est grâce à son concours efficace, qu’il