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LE WAGNÉRISME EN FRANCE ET À L’ÉTRANGER.

musique. Cris, sifflets, huées. Loges qui s’insurgent, galeries qui se pâment de rire derrière l’éventail, fauteuils d’orchestre qui bondissent de colère. « D’où nous vient celui-ci ? Quel est cet homme nouveau qui prétend tout changer ? Quoi, pas une cavatine ? Nous tenons spécialement aux roulades, aux trilles, aux points d’orgues et autres menus agréments. Nous voulons des ballets, oh ! nous tenons absolument aux l)allets. Le drame lyrique ne peut bien marcher que grâce aux jambes des danseuses. De jolies jambes, et entre temps, quelques thèmes bien carrés, bien faciles à retenir, voilà ce qu’il nous faut. Ah ! ah ! monsieur, un drame qui a la prétention d’être un drame, d’émouvoir, de violenter même les sens et l’esprit ! Vous avouerez, monsieur, que cela est le comble de la bouffonnerie ! » Et, grandissant de scène en scène, d’acte en acte, interrompant l’action, désorientant l’orchestre, épouvantant les comédiens, les clameurs de la foule hostile qui avait ri, glapi et hurlé devant même que la toile fût levée, produisait un immense charivari continu que ne parvenaient à dominer ni les sonorités les plus aiguës des violons, ni les cris passionnés de la courageuse Marie Sass. On donnait au monde artistique le triste spectacle d’un acharnement sans motif et sans excuse, et sous le prétexte de juger un opéra, on insultait çà et là des femmes.

Ainsi donc, les habitués, les abonnés, les gens qui voulaient romances et ballets, tels furent bien les véritables ennemis. Un parti pris de principe, sans rime ni raison. Ceux qui verraient dans la bataille du Tannhàuser le premier engagement sérieux entre wagnériens et antiwagnériens se tromperaient étrangement : ces derniers n’existaient pas encore en 1861, ou du moins, n’étaient pas parmi les abonnés de l’Opéra s’élevant contre une œuvre qui déplaisait, sans être à même d’apprécier cette œuvre au point de vue technique.

Quoi qu’il en soit, en 1861, la satire littéraire et graphique se porta sur le terrain musical. C’est la concep-