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RICHARD WAGNER EN CARICATURES.

théâtre est inauguré solennellement comme l’Empire, et Bayreuth revoit dans le dernier quart du siècle le parterre de rois qui, dans le premier quart de ce même siècle, avait immortalisé Erfurt, autrefois l’art français répondant à l’abaissement de la patrie allemande, aujourd’hui l’art de l’avenir sanctifié par un nouvel empire germanique.

Oui, mais une pareille toute-puissance ne s’obtient pas sans blesser des intérêts acquis et des formules esthétiques antérieures. D’où une partie des caricatures lancées de 1876 à 1883 contre Wagner bonze et pontife de la nouvelle religion.

Que nombre de feuilles caricaturales viennoises soient aux mains des israélites, je ne fais nulle difficulté de le reconnaître ; que ces feuilles aient publié sur l’auteur de Lohengrin des images pleines de sel, on pourra le constater facilement soi-même, mais on verra aussi que quantité d’autres sentiments se sont fait jour dans ces attaques. Wagner tout-puissant, Wagner souverain de Bayreuth, Wagner devenu le Bismarck de l’art a quelque peu agacé les Allemands. Frédéric Nietzsche, l’auteur d’un livre dithyrambique et incommensurable sur le musicien-réformateur[1], l’a dit lui-même : « Les Allemands s’en donnèrent à cœur joie d’écrire et de jaser sur un ton esthétique ; on se mit à mesurer, à tâter les œuvres et la personne de l’artiste avec ce

  1. Friedrich-Wilhelm Nietzsche, professeur de philologie classique à Bâle, mort en cette ville en août 1879, à peine âgé de 34 ans, auteur d’une série d’études (dont quelques-unes fort remarquables) publiées sous le titre générique de : Unzeitgemässe Betrachtungen. L’étude sur « Richard Wagner à Bayreuth » a été traduite en 1877, en un français absolument illisible par Mme Marie Baumgartner.