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RICHARD WAGNER EN CARICATURES.

national, à un art national, et voilà pourquoi, tout naturellement, la satire crayonnée s’exerça contre lui.

Après 1870, combien changés sont les événements ! Wagner n’est plus le protégé du roi de Bavière, le compositeur jusque-là incompris des siens, sans cesse obligé de venir défendre, par les armes littéraires, sa théorie du drame musical ; Wagner est devenu l’incarnation d’une des formes de lapensée allemande. Suivant Texpression d’un de ses biographes, H. Meister, il a centralisé la musique comme l’empereur Guillaume a centralisé la patrie. « Wagner, » ajoute cet écrivain, a apparut comme le prophète du génie musical allemand ; il annonça et salua l’aurore du nouvel Empire, il prêcha l’alliance du pouvoir divin et de la puissance populaire, du césarisme et du socialisme, de la démocratie et de la royauté. Il déroula aux yeux du jeune roi enthousiasmé (il s’agit de Louis II) l’image d’un peuple éminemment poétique et musical, chez lequel ces deux agents, le capital et le travail, seraient mis au service de la musique et de la justice. Déjà il voyait le génie allemand réunir dans un splendide théâtre tous les peuples du Rhin jusqu’à l’équateur, et les dieux de la mythologie germanicoscandinave s’emparer de l’empire des âmes. »

Esprit de mysticisme et de rêverie littéraire traduisant, on ne peut mieux, le mysticisme de son œuvre musicale.

Donc, le théâtre national est fondé, ce théâtre aux côtés duquel toutes les scènes allemandes ne sont plus que bicoques sans importance ; Wagner est parvenu au faîte de la puissance ; après les victoires de l’artillerie Krupp, le triomphe de la musique Krupp. Le