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RICHARD WAGNER EN CARICATURES.

l’avait placé un encens peut-être immodéré[1]. Le même cas se présente, du reste, à l’égard de toutes les individualités d’un génie transcendant : Victor Hugo, Wagner, Zola, pour citer ces trois noms, n’ont-ils pas été également accusés d’orgueil, d’ambition, d’avarice, d’un amour immodéré du gain. Et il se peut bien qu’il en soit ainsi, puisque ce sont vices essentiellement humains dont chaque parcelle animée de la grande foule anonyme est plus ou moins imbue. Or Wagner, on l’a vu, portait en lui tout particulièrement certains de ces défauts.

Plus nous avançons vers la fin du siècle, plus la caricature deviendra âpre, violente à l’égard des individualités, à l’égard des esprits créateurs animés d’un souffle vraiment personnel. C’est là une des conséquences du nivellement qui s’est produit dans la société : l’ensemble est monté, a atteint à cette honnêteté moyenne si bien nommée « le marais des intelligences », mais les têtes trop hautes déparent la symétrie. Donc, par la plume et par le crayon, il faut abattre, il faut aligner.

En un mot, la caricature se transforme : jadis, arme de combat en faveur du droit et de la liberté, aujourd’hui trop souvent, au pouvoir des foules anonymes, elle paraît vouloir être arme de haine contre les esprits supérieurs.

Donc je ne suivrai pas la satire en ses attaques ba-

  1. Un médecin spécialiste a publié en 1882 dans une revue allemande un intéressant article sur l’état pathologique des musiciens, des poètes et des autres « énervés » de même l’amille. Tout en reconnaissant ce qu’il y a de vrai dans les accusations portées contre Wagner, au sujet de son état cérébral, il démontre avec non moins de sens qu’il est puéril de s’arrêter sans cesse à des faiblesses n’enlevant rien à la conception géniale de l’artiste.