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RICHARD WAGNER EN CARICATURES.

les chats miaulent, les enfants crient sous la main qui les fouette ; ici partent des canons de siège, là chauffent des locomotives ; de la profondeur des cuivres sortent des sons mugissants, et l’on se met à huit pour faire vibrer l’archet des violons. La musique de tous les bruits, de toutes les plaintes, de tous les gémissements ; la musique des sifflets et des cloches ; celle qui perce le tympan et celle qui, joyeusement, résonne ; la musique du marteau frappant l’enclume, la musique des verres et des bois.

Le domaine est agrandi ; ce ne sont plus de simples mélodies ou d’amples harmonies : digne précurseur du xxe siècle, Wagner a voulu le mélange des sons comme d’autres poursuivent le mélange des races.

Quelquefois, on se trouve en présence de simples pochades ; d’autres fois on verra le dessin esquisser de véritables essais de musique imitative.

Telle cette géniale composition des Fliegende Blätter, Wagner sculptant dans la pierre, à coups de ciseau, le buste du dieu auquel il a été si souvent comparé. Les éclats jaillissent de toutes parts, et le public, pour ne pas être atteint par ces projectiles d’un nouveau genre, se met à l’abri comme il peut, sous les bancs, derrière les banquettes. C’est le sculpteur de concert ; c’est la pierre


    bien, donc, de même que le faiseur de tours se balance sur le tremplin avant de sauter, ainsi Rubini se place d’abord sur le fa de Mozart, là il gonfle sa voix pendant deux mesures, puis avec un élan irrésistible, de la partie vocale il se lance dans celle des violons, fait rouler leur trille sur le fa avec une violence toujours croissante, et enfin dans la mesure suivante, se pose, comme si cela n’était rien, sur le si, pour se laisser retomber par une brillante roulade dans… l’inaudible. Après ce morceau tout était bien fini et on aurait pu supprimer le reste de l’opéra. Tous les diables étaient déchaînés, et non pas, comme à la fin de la pièce, sur la scène, mais dans le public. »