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RICHARD WAGNER EN CARICATURES.

ont été ainsi représentées avec une pointe de douce malice : les grands soli de reproches gazouilles par la forte chanteuse sur la froide pierre des cachots, les duos d’amour susurrés à l’ombre des arbres en zinc, les duos de délivrance aux gestes emphatiques, les trios de conspirateurs que l’arrivée du messager couvert de poussière et d’armes éclatantes transforme en ce classique quatuor où tout le monde entonne le « vite, vite, fuyons ! » et où personne ne songe à fuir, et les chœurs et les ballets, et le grand final où chacun cherche à faire tableau vivant, sans songer au rideau qui, lourdement, tombera sur la tête ou sur la colichemarde des plus emballés.

On a ridiculisé la méthode italienne sous toutes les formes, par la plume et par le crayon ; l’on devait également ridiculiser — cela va de soi — la méthode wagnérienne[1]. Dans cet esprit, à Paris on a surtout écrit; à Vienne, on a surtout dessiné.

  1. On ne lira pas sans intérêt ici, l’appréciation portée par Wagner sur le grand, le célèbre, l’illustre Rubini qu’il avait entendu dans Don Giovanni de Mozart. Rubini raide, maussade, était, il le dit, absolument désagréable parce qu’il n’avait pas encore pu se livrer à ses exercices de haute gymnastique pulmonaire, faire admirer ses forte et ses piano.

    « Ottavio était resté seul sur la scène ; je croyais, dit Wagner, qu’il voulait annoncer quelque chose, car il s’était avancé jusqu’au trou du souffleur ; mais là il resta immobile, écoutant avec impassibilité la ritournelle d’orchestre qui précède sa romance en si bémol. Cette ritournelle parut durer plus longtemps que de coutume, mais c’était là une illusion ; enfin, le tour du chanteur vint, mais il murmura ses dix premières mesures si piano qu’on ne l’entendait pas, et je crus vraiment qu’il se moquait du monde. Pourtant le public était sérieux : c’est qu’il savait, lui, ce qui allait venir. Arrivé à la onzième mesure du chant, voilà que, tout d’un coup, Rubini enfle le fa avec une si soudaine véhémence qu’il exécute les notes de passage qui suivent avec la violence du tonnerre ; mais sur la douzième mesure, sa voix s’évanouit de nouveau en un murmure imperceptible. J’avais envie de rire à haute voix, mais partout régnait