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RICHARD WAGNER EN CARICATURES.

Wagner, pour en revenir au correspondant de la Fräulein Bertha, portait en lui les signes distinctifs de Tartiste de Cour, de l’homme entretenu par un souverain, ayant des fantaisies et des désirs de « Mignon ».

Toutefois, fantaisies et désirs disparaîtront ou, du moins, se modifieront lorsque la situation de l’homme se trouvera plus assise, lorsqu’il sera parvenu à son but, à moins que ce changement ne doive être attribué à l’influence féminine, jusqu’alors absente de sa vie intérieure, et qui, dès 1871, se manifesta d’une façon heureuse grâce au bon goût de Mme Cosima Wagner.

Certes, jusqu’à la fin, il aimera les gilets à grands ramages, les vêtements ouatés, matelassés, aux piqûres bien proéminentes, aux revers bien voyants — il est de ces choses, tel le goût, qui ne s’acquièrent point — mais ce ne seront plus les mièvres préoccupations d’autrefois, ni les chambres tendues d’étoffes claires sentant la petite maîtresse, ni les robes de chambre aux couleurs criardes.

Extravagant tant qu’il est nomade et cosmopolite, Wagner s’assagit peu à peu lorsque ses besoins de supériorité peuvent se donner libre cours. Désormais ses pensées sont autres. Au Wagner concertiste et cabotin qui a rêvé de s’emparer de l’Opéra français, comme son confrère en germanisme, Offenbach, s’est emparé de l’opéra-buffa, a succédé un Wagner sacré grand homme, s’étant taillé une royauté artistique chèrement conquise.

Alors, plus de lettres à la Fräulein Bertha Goldung, plus de ces lettres, du reste peu intéressantes, ne roulant que sur des questions de coupe ou d’étoffes, qui produisent l’impression d’un éléphant se parant de chiffons et de fanfreluches, et qui ont grandement contribué à ridiculiser l’homme. Car, datée de Starnberg, de Munich, de Genève, de Lucerne, de Triebschen, toute cette correspondance va de 1863 à 1871.

En 1877, lorsque cette littérature de modes wagnériennes vit le jour et se répandit par tous les coins, grâce à la publicité de la Neue Freie Presse, ce fut donc comme l’exhumation du fameux cadavre devant lequel tant de gens ont dû capituler.

Wagner, lui, ne capitula pas.