Page:Grand’Halte - Une femme nue à la caserne, 1921.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 36 —


arrivèrent une douzaine de litres, portée par vingt-quatre bras vaillants.

Caramel ouvrit de grands yeux réjouis :

— Ben on va prendre une muffée !

Vous savez comment se boit un litre, eh bien multipliez par douze et vous saurez comment se boivent douze litres.

L’efficacité d’un semblable régime se manifesta très rapidement. Des hommes rubiconds et vainqueurs surgirent dans la cour et eurent la prétention de taper sur le ventre au lieutenant. D’autres plus circonspects avaient gagné le moelleux d’une paillasse quelconque.

Seul Caramel, la lippe amère et l’œil terne, gisait sur le tas de fumier de l’écurie. Il gémissait :

— Cochon d’métier, v’là qu’ j’ai faim et c’est l’heure de la soupe !

Il passa la langue sur ses lèvres gourmandes et la paupière plissée de concupiscence :

— J’ boufferai bien quéquechose de fin, qui m’ dégraisserait la gueule !

Il se souvint que sa poche encore était bourrée de coupures multicolores et crasseuses. Ce lui fut une révélation d’en haut. Son sourire s’épanouit, son regard se voila d’une larme de bonheur. Il avait trouvé.

Quand on est saoul, il y a toujours un copain qui l’est moins que vous. C’est reconnu, d’une vérité incontestable.