Page:Grammont - Petit traité de versification française, 1908.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans cet exemple les quatre vers ont la même rime, et encore c’est une rime riche ; l’effet est un peu exagéré. D’ordinaire on se contente de multiplier les rimes qui assonent entre elles ou se rappellent, et on en répercute la note dans l’intérieur des vers. On peut par ce procédé mettre en relief une accumulation de faits analogues, une énumération d’idées parallèles :

L’impie Achab détruit, et de son sang trempé
Le champ que par le meurtre il avoit usurpé ;
Près de ce champ fatal Jézabel immolée,
Sous les pieds des chevaux cette reine foulée,
Dans son sang inhumain les chiens désaltérés,
Et de son corps hideux les membres déchirés ;
Des prophètes menteurs la troupe confondue,
Et la flamme du ciel sur l’autel descendue,
Élie aux éléments parlant en souverain,
Les cieux par lui fermés et devenus d’airain,
Et la terre trois ans sans pluie et sans rosée ;
Les morts se ranimant à la voix[1] d’Élisée.

(Racine, Athalie)

L’HIATUS.

L’impression qu’il produit. — On a vu plus haut qu’il n’y a aucune raison d’éviter les hiatus constitués par la rencontre de deux voyelles de timbre différent : ils ont une modulation souvent fort agréable. Mais ceux mêmes qui sont formés par deux mots dont l’un finit et l’autre commence par la même voyelle, et ce sont les seuls hiatus réels, peuvent être utilisés à l’occasion, précisément à cause de l’effet de bâille-

  1. Au xviie siècle oi se prononçait .