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et même dans les dernières pièces de Corneille, dont le vers a toujours évolué :

Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir.

(Suréna)

Détermination délicate. — Les deux autres types de trimètres qui ont été distingués dans le dernier chapitre sont beaucoup moins usités ; il est souvent fort délicat de les reconnaître. Parfois V. Hugo a pris la précaution d’annoncer un trimètre par un contrerejet qui termine le vers précédent, surtout à la fin des périodes :

Je jure de garder ce souvenir, et d’être
Doux au fai|ble, loyal au bon, | terrible au traître.

(Le petit Roi de Galice)

Ayant reçu de Dieu des créneaux où le soir
L’homme peut, d’embrasure en embrasure, voir
Étinceler | le fer de lan|ce des étoiles.

(Le Régiment du Baron Madruce)

Mais, en définitive, leur forme ne se distingue en rien de celle des tétramètres à césure faible, et l’on ne peut se décider que d’après le fond. Il faut, pour chaque cas, examiner de très près le texte et le contexte, voir quel est le genre d’effet qui s’adapte le mieux à l’idée exprimée, et si le poète a voulu mettre en relief un mot, une expression, ou le vers tout entier :

À Toulon, le fourgon les quitte, le ponton
Les prend ; sans vêtements, sans pain, sous le bâton.

(Les Châtiments)

Les deux propositions « le fourgon les quitte » et « le ponton les prend » sont rigoureusement parallèles ;