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quelquefois et ceux de six syllabes avaient toujours d’autres syllabes accentuées que la dernière ; mais leur accent était moins intense que celui des syllabes obligatoirement accentuées et elles n’étaient pas mises en relief par une pause venant après. À mesure que la pause de la césure diminua, l’accent de la syllabe précédente perdit sa force particulière, si bien que des accents placés dans l’intérieur des hémistiches purent être aussi intenses que celui-là, quelquefois même davantage. Ainsi dans le second des deux vers suivants, la quatrième syllabe est plus fortement accentuée que la sixième :

Se feit impudemment eslever une image
Entre les Roys ; aussi il a eu le loyer[1].

(Grévin, César)

En somme, quand le xvie siècle transmit sa versification au xvii, le vers de dix syllabes avait généralement trois syllabes nettement accentuées et celui de douze en avait quatre, comme dans cet exemple de d’Aubigné :

Toi Seigneur, qui abats, qui blesses, qui guéris.

Le décasyllabe était par là divisé en trois tranches et l’alexandrin en quatre ; chaque tranche finissait avec une syllabe tonique et était suivie d’une coupe. Par coupe il faut entendre simplement l’endroit où une tranche finit et où une autre commence. La coupe qui termine le premier hémistiche et qui tient lieu de l’ancienne césure ne se distingue des autres que parce qu’elle est à place fixe, tandis que la

  1. « Il se fit impudemment élever une statue au milieu des rois ; aussi il a eu le salaire. »