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coupe fixe et un nombre de syllabes déterminé. Le trimètre romantique n’a pas de coupe fixe, mais il n’est employé que rarement, isolément, pour produire un effet particulier, et il a une rime. Si rien n’indique nettement la fin de vers rythmiques, il faudra qu’ils aient tous le même nombre de mesures, d’où naîtra bien vite une monotonie exaspérante. Or, parmi les pièces qui ont été faites, certaines sont rimées, d’autres assonancées, d’autres enfin n’ont pas même d’assonances ; quelquefois les trois systèmes s’entremêlent. Mais quelle différence y a-t-il par exemple entre deux vers de six syllabes sans rimes et un vers de douze à coupe fixe ? Et lorsqu’un vers sans rime enjambe sur un autre, ce qui n’est pas rare, comment peut-on s’en apercevoir ? En regardant sur le papier à quel endroit l’auteur est allé à la ligne. Ce ne sont donc des vers que pour les yeux. Ils paraissent, il est vrai, avoir la prétention d’être mieux rythmés que les autres ; mais, outre que la langue française ne se prête qu’à un rythme faiblement marqué, elle possède mainte page de prose dont le rythme est beaucoup plus ferme que celui de la plupart des pièces composées dans ce genre nouveau.

Ces essais récents n’ont d’ailleurs en aucune façon écarté ou supplanté le vers que l’on a étudié d’un bout à l’autre de ce traité. Tel quel, il reste le véritable vers français. Il est l’un des plus souples qui existent au monde actuellement, et il est de tous le plus délicat. Par des perfectionnements successifs il a perdu la monotonie et la rudesse simpliste du début, il a raffermi peu à peu ses formes qu’avait amollies le laisser-aller du xive siècle, il est devenu sûr de lui-même et maître de tous ses moyens. Affiné