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sens juste des ressources qu’elle pouvait leur fournir. Ils sont restés sans raison archaïsants sur certains points et souvent en contradiction avec eux-mêmes.

À part cela, aucune modification importante de notre vers ne semble s’imposer, et surtout l’on ne saurait applaudir aux tentatives qui ont été faites, en général par des étrangers ou de mauvais plaisants, pour le remplacer par un type radicalement différent, sans tenir compte du génie et des exigences de la langue.

Certains ont imaginé un système de vers libres, qui a eu quelque succès depuis une quarantaine d’années. Trouvant que les règles suivies jusqu’alors étaient trop étroites, ils se sont affranchis de toutes en même temps. Plus de compte exact des syllabes, plus de coupes fixes, plus de rimes obligatoires ; c’est la liberté absolue, si ce n’est pas l’anarchie. On y trouve côte à côte des vers à nombre pair et à nombre impair de syllabes, sans que la raison du changement soit toujours saisissable, si bien qu’on se demande souvent, lorsqu’un vers n’a qu’une syllabe de plus ou de moins que le voisin, si l’on ne doit pas les égaliser dans la lecture, en supprimant quelque e muet dans l’un, alors qu’on les fait tous entendre dans l’autre. Ce qui déroute le plus à cet égard, c’est qu’à côté des vers qui prêtent à hésitation, on en rencontre presque toujours qui sont nettement du type classique. À la vérité, s’ils sont purement rythmiques, ils peuvent avoir un nombre quelconque de syllabes, mais alors il est nécessaire qu’ils soient limités par une rime ou au moins par une assonance. Les vers blancs, c’est-à-dire sans rimes, n’ont jamais réussi à se faire accepter en France ; pourtant ils avaient une