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Dès la fin du xie siècle, les pauses, surtout celle de la césure, deviennent un peu moins fortes et vont s’affaiblissant jusqu’au xvie. Pendant cette période il n’est pas rare qu’un premier hémistiche enjambe sur le second, ou un vers sur le suivant. Des syllabes toniques libres deviennent parfois aussi fortes que les toniques fixes, ou même davantage, et le compte des syllabes s’impose moins sûrement à l’oreille. Aussi l’assonance, insuffisamment secondée pour marquer la fin du vers, se renforce-t-elle peu à peu. Au xiie siècle elle est remplacée par la rime ; à la fin du xve on ne se contente plus de la rime ordinaire, on recherche la rime riche et même ultra-riche. Par ces procédés on assure la fin du vers, mais son corps reste flasque. S’il est un peu long, l’oreille, n’ayant où se reposer, reste indécise ; c’est pourquoi le vers de douze syllabes est presque abandonné du milieu du xive siècle au milieu du xvie : il ne satisfait pas l’oreille.

Ronsard et la Pléiade le reprennent, mais pour le raffermir, surtout en marquant mieux la coupe fixe ; Régnier perfectionne leur œuvre, et quand Malherbe exige que la coupe fixe soit marquée par la syntaxe et proscrit l’enjambement d’un vers sur l’autre, il ne fait qu’ériger en règle la forme qui prédomine déjà d’une manière extrêmement sensible dans les sonnets de Ronsard et les satires de Régnier. Les parties du vers une fois redevenues nettes, la rime riche n’a plus de raison d’être, aussi le xviie siècle n’en fait aucun cas.

Avec Ronsard, avec Malherbe même, le vers classique proprement dit n’est pas encore né ; il est préparé, mais l’évolution qui y aboutira n’est pas achevée. Petit à petit les poètes s’avisent de prendre