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tantes mêlées aux sombres, sans que la note cesse d’être sombre ; il suffit pour cela que les sombres soient en plus grand nombre ou en meilleure place ; de plus, si les éclatantes sont voilées par la nasalité, le voisinage de sombres leur fait prendre nettement la valeur de sombres.

Il faut ajouter à cela qu’il n’y a pas d’idée simple ; toute idée est complexe et comporte des nuances qui ne peuvent être rendues que par l’emploi simultané ou successif de moyens d’expression différents. Certains sentiments changent de note suivant les phases de leur développement. On a vu plus haut la colère se manifestant par des cris aigus, puis par des éclats de voix ; on la retrouve ici, mais plus sourde, plus grondante ; ce n’est plus l’ironie amère, ni la fureur toute en dehors, c’est le courroux menaçant :

Puissiez-vOUs ne trouver dedANs votre uniON
Qu’horreur, que jalousie et que cONfusiON !
Et, pOUr vOUs sOUhaiter tOUs les malheurs ensEMble,
Puisse naître de vOUs un fils qui me ressEMble !

(Corneille, Rodogune)

La lourdeur s’exprime par des voyelles sombres, comme la légèreté par des voyelles claires :

La lOUrde artillerie et les fOUrgONs pesANts
Ne creusent plus la rOUte en profONdes ornières.

(Gautier, Fantaisies

Les idées graves ou tristes demandent des voyelles graves, c’est-à-dire éclatantes et sombres mêlées, de même que les idées gaies ou gracieuses s’accommodent de voyelles claires :

QuE lE bON soit tOUjOUrs cAmArAdE du bEAU.

(La Fontaine, Fables