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J’entrerai dans Narbonne et je serai vainqueur ;
Après, je châtierai les railleurs, s’il en reste.

(Aymerillot)

Analyse de quatre vers. — L’importance de chaque syllabe au point de vue rythmique sera notée ici par un chiffre qui totalisera les trois éléments dont la somme fait impression sur l’oreille à cet égard, la durée, l’intensité, la hauteur. La valeur prise pour unité est celle des syllabes qui sont les plus faibles au total. Voici, d’après ces principes, la traduction en chiffres du premier vers :

2 1 31 1 22½ 41 1 1 4

Il a 4 mesures, sans aucune pause. La première : deux liards, est nettement terminée avec la syllabe à valeur 3 ; c’est une mesure qui descend d’abord pour remonter plus haut. Avec la seconde : couvriraient, on redescend aussi bas que possible, on s’y maintient d’abord, puis on remonte, mais pas très haut. L’ascension continue avec la troisième : fort bien, dès la première syllabe, et la seconde syllabe monte beaucoup plus haut. Phénomène intéressant à noter, ce ne sont pas toujours les syllabes du vers ayant le coefficient le plus fort qui deviennent rythmiques et marquent la fin des mesures ; ainsi la deuxième mesure finit avec une syllabe qui n’a que 2 pour coefficient et qui est suivie immédiatement d’une autre dont le coefficient est plus élevé. Pourtant il est absolument certain que couvriraient et fort bien constituent deux mesures. Qu’est-ce donc qui les distingue et qui marque, à n’en pas douter, qu’après couvriraient on passe à une autre mesure ? La syllabe -raient est la finale d’un mot assez long, mais cela ne suffit pas. Tout le mystère, c’est que pour prononcer : fort bien,