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LES PLUS ANCIENS MONUMENTS DU CHRISTIANISME.

lins y ont trouvé des sectateurs. L’Égypte avait toujours été le pays de la superstition et de la sorcellerie, qui s’étaient alliées avec un mélange d’idées religieuses de diverses époques et de diverses nations : des idées orphiques, sémitiques, iraniennes, égyptiennes, chrétiennes ; d’où un syncrétisme qui fut rédigé en système par les Gnostiques. Comme la superstition pénètre partout, les idées gnostiques durent être très populaires ; et on en trouve, en effet, beaucoup de traces et beaucoup de monuments encore. Cette superstition s’était emparée aussi des idées chrétiennes, voilà un fait pour l’appréciation de l’influence et des progrès de la religion chrétienne.

Le christianisme en Égypte avait au commencement ses racines dans la société juive hellénisante ; il était alors la religion de l’intelligence du pays dont la langue était le grec. Le grec dominait à cette époque en Égypte : il fut la langue des bureaux, des actes et de l’administration[1], du commerce et de la correspondance, de la littérature et de la science ; il y avait des académies grecques, deux au moins[2] ; la langue égyptienne indigène, repoussée et bannie dans les bureaux et dans la bonne société, alla perdre sa vieille écriture démotique, fille des hiéroglyphes et de l’hiératique par laquelle elle avait été liée au paganisme. Il est donc très probable que la Bonne Nouvelle fut expliquée dans la langue de l’intelligence, c’est-à-dire en langue grecque qui resta la langue liturgique de l’Égypte jusqu’après la conquête arabe ; même à l’époque copte, les livres liturgiques étaient très souvent rédigés dans les deux langues : en grec et en copte.


En conséquence, c’est en langue grecque que les plus anciens monuments relatifs au christianisme en Égypte nous sont parvenus.

Énumérons maintenant les classes de ces monuments du christianisme en Égypte, antérieurs à l’époque de Constantin et à la victoire complète de la religion chrétienne sur le paganisme.

Ils sont peu nombreux et encore ne sont-ils connus que depuis peu d’années. Cela tient à ce que durant les trois premiers siècles de notre ère qui nous occupent seuls ici, on écrivait sur papyrus, substance très fragile, des livres et des actes qui pouvaient à peine être en usage durant quelques dizaines d’années. Les livres de la sainte Écriture qui étaient lus le plus souvent étaient aussi usés le plus vite ; d’ailleurs, pendant les persécutions on les confisqua et on les brûla ; si l’on tient compte de ces causes et du grand

  1. Voir à ce point de vue ma Dissertation sur les actes grecs dans l’Étude sur la forme des actes de droit privé en droit romain et dans le très ancien droit français, par Henri Saboulard. Paris, Duchemin, 1889.
  2. Le fameux musée d’Alexandrie et le musée récemment connu d’Hermopolis Magna Ouchmounên. V. le Corpus papyrorum Hermopolitanorum dans mes Studien zur Palaeographie und Papyruskunde, vol. V, 1905, no 56, 2 ; 124 ; Aurèle Ploution, excellence, se qualifie « du musée » comme on dit maintenant « de l’académie » : no 59.