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LEUR PROVENANCE.

L’Égypte du ier au iiie siècle de notre ère offrait au point de vue de la religion païenne l’aspect d’un panthéon de dieux et de déesses, il y en avait d’égyptiens, de grecs et même de romains[1] ; partout il y avait des sanctuaires et des temples, dans les villes et les villages du pays, avec des prêtres et prêtresses plus ou moins dotés[2], soumis au règlement administratif[3] qui était dans la main des Romains ; ceux-ci avaient pris et réservé pour eux-mêmes les places les plus importantes même dans le culte. Nous connaissons beaucoup de détails de la vie religieuse par les papyrus trouvés à Socnopconèse[4] dans le Faioum datant du iie siècle avant J.-C. au iiie siècle de notre ère ; c’était un vieux sanctuaire avec une hiérarchie assez compliquée dont le mécanisme et l’organisation sacerdotale, les détails de la vie intime des prêtres, peu agréables quelquefois[5], nous sont maintenant révélés par les papyrus. Au point de vue de la civilisation, l’ensemble des institutions religieuses et de l’ordonnance du culte qui persistaient dans des idées rétrogrades, accommodées à l’égoïsme sacerdotal, ne fut pas capable d’élever les cœurs, de donner de la force à la foi, de consoler les malheureux, de faire peur aux méchants ; aussi leur résistance contre la religion chrétienne fut trop faible pour entraver les progrès de la nouvelle foi, progrès qui attiraient enfin l’attention du pouvoir suprême romain. Elle résista avec vigueur aux persécutions, tant étaient puissantes les racines qu’elle avait poussées en Égypte. Les persécutions les plus importantes furent, après Sévère, celles de Dèce et de Dioclétien, connues par les récits d’Eusèbe ; nous en parlerons plus bas encore.

La religion chrétienne en Égypte résista aussi à un autre ennemi, l’hérésie ; le schisme de Novat, l’erreur des millénaires[6], l’hérésie de Sabel-

  1. « Jupiter Capitolin le dieu de nos ancêtres », dit un papyrus de Berlin du iiie siècle provenait du Faioum : Aegyptische Urkunden der (Berliner) Königlichen Museen, 362, V, 5.
  2. Les temples et sanctuaires de la ville d’Arsinoë dans le Faioum sont énumérés dans mon étude topographique : Die Stadt Arsinoë, Krokodilopolis, in griechischer Zeit, Académie Impériale de Vienne, Séances, vol. CXLV, 4, 1902. Il y avait là, dans une capitale de la province, un Boubasteion, un Demetrion, un Hermaion (temple de Mercure), un Kaisareion (Caesaris templum), un Cléopatreion, Lageion ; un Nemeseion, Nymphaion, un temple de l’Osiris d’Isis et d’Harpocrate, un Soknopaiteion (temple du dieu Soknopaios), Sekneptuneion (chapelle ou temple de Sekneptunis, c’est-à-dire du dieu Sebek de Tebtunis), un temple du très grand dieu Suchos, un Paneion, un Sarapeion (temple de Sérapis), un Tychaion (temple de la Fortune), et un très grand dieu éternel dit Petesouchos avec ses prêtres.
  3. À ce point de vue on peut citer l’intéressant papyrus A n° 247 de Vienne de la collection archiducale, daté du 24 juillet 234 ; les préfets d’un village donnent à l’employé des finances le témoignage, comme ce fut l’usage tous les mois, « qu’il n’y a rien à dénoncer de ce qui avait été contre le règlement pendant le mois de juillet de l’an XIII de Sévère Alexandre (a. 234) ; personne entre les prêtres ou les ordonnés n’a négligé son service religieux ».
  4. Nous avons fait une étude spéciale de ces papyrus : Karanis und Soknopain Yesos, Mémoires de l’Académie impériale de Vienne, vol. XLVII, 4, 1902, p.  171.
  5. J’ai publié les actes d’un grand procès relatif à la dénonciation de deux prêtres entre eux dans les Papyrorum scripttirae Graecae specimina isagogica, Leipzig, Avenarius, 1901 ; le prêtre condamné dans le procès contre le fisc dut payer une amende assez forte parce qu’il avait occupé un terrain appartenant au fisc. On ne respectait pas beaucoup les prêtres ; c’est encore un prêtre, nommé Stotoëtis, qui se plaint que ses débiteurs au lieu de rendre l’argent le menacèrent de mort, lui déchirèrent les vêtements et le bâtonnèrent (Berlin, papyrus 36).
  6. Les chiliastes, combattus par Denis, évêque d’Alexandrie, étaient répandus surtout dans le Faioum (Eusèbe, Hist. eccl., VII, xxiv, 6).