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INTRODUCTION.

nommer un nouveau tétrarque, alors que, selon les Évangiles canoniques, on cherchait Jésus pour le faire roi. M. Robinson a pensé que Carius (kapiou) représentait le Quirinus ou Kvpinoc de l’Évangile de saint Luc (n, 2). Je penserais plutôt y voir Caïus qui, d’après Tacite, fut envoyé par Tibère pour pacifier l’Arménie et y installer un roi de son choix. D’après un autre fragment qui doit être antérieur, Tibère avant de penser à la nomination d’un tétrarque devant remplacer Philippe, aurait reçu d’Hérode des dénonciations contre son frère et il aurait ordonné de s’emparer des biens de Philippe, en ne lui laissant que sa vie, celle de sa femme et celle de sa fille. Est-ce en exécutant cet ordre qu’Hérode se serait emparé de sa belle-soeur et de sa nièce ? La chose est douteuse mais toute cette affaire du remplacement de Philippe par Jésus qui, grâce au consentement de Pilate, aurait brouillé ce dernier avec Hérode, semble aussi visée par le fragment récemment retrouvé de l’Évangile de saint Pierre qui raconte la réconciliation de Pilate et d’Hérode, lors de la passion. C’étaient donc là des légendes alors courantes, comme celle qui se rapporte à la conversion définitive du prêtre Gamaliel, qui aurait eu lieu soit après l’instruction de Pilate sur la résurrection du Christ à laquelle Gamaliel aurait assisté, soit, ce qui me paraît moins probable, lors de l’Assomption de la Vierge, si l’on assimile Gamaliel au grand prêtre converti dont il parlerait et qui déjà antérieurement, au moment de la passion, aurait défendu saint Pierre contre la portière de la maison de Caïphe. Rien n’indique, en effet, dans les Actes des Apôtres, la conversion complète de ce docteur bien intentionné quand il prit la défense des chrétiens devant ses collègues. Les apocryphes de cette époque s’inspirent ainsi sans cesse des textes sacrés, qu’ils combinent assez habilement avec leurs affirmations.

Parfois même, notre texte cite expressément « l’Évangile », c’est-à-dire un des évangiles canoniques. Il n’a donc pas la prétention de se substituer à eux et, disons-le, en dehors do certaines tendances très discutables vers le docétisme qu’aurait eues également, selon les Pères, l’Évangile de.saint Pierre, cet évangile des douze Apôtres, si net quand il parle de l’infaillibilité pontificale, paraît, d’ordinaire, être fort orthodoxe. Les passages mêmes qui, pour l’incarnation, peuvent s’interpréter dans le sens des docètes, sont souvent corrigés plus loin par le contexte. Ainsi, Jésus habite, cela est vrai, avec les séraphins dans le sein de la Vierge, mais il n’en devient pas moins homme, etc. Au point de vue de l’orthodoxie, nous n’avons pas de semblables hésitations pour l’Evangile de saint Barthélemy, très gnostique et faisant suite aux textes gnostiques qu’ont analysés saint Irénée, saint Épiphane, l’auteur des Philosophumena, etc.