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leurs, pouvois-je la perdre sans désespoir ?

Mon étrange destinée m’a ravi jusqu’à la douceur que trouvent les malheureux à parler de leurs peines : on croit être plaint quand on est écouté, on croit être soulagé en voyant partager sa tristesse, je ne puis me faire entendre, & la gaieté m’environne.

Je ne puis même jouir paisiblement de la nouvelle espéce de désert où me réduit l’impuissance de communiquer mes pensées. Entourée d’objets importuns, leurs regards attentifs troublent la solitude de mon ame ; j’oublie le plus beau présent que nous ait fait la nature, en rendant nos idées impéné-