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je déplorois amerement mon affreuse destinée, quand je vis entrer ma China. Dans la situation où j’étois, sa vûe me parut un bien essentiel ; je courus à elle, je l’embrassai en versant des larmes, elle en fut touchée, son attendrissement me fut cher. Quand on se croit réduit à la pitié de soi-même, celle des autres nous est bien prétieuse. Les marques d’affection de cette jeune fille adoucirent ma peine : je lui contois mes chagrins comme si elle eût pû m’entendre, je lui faisois mille questions, comme si elle eût pû y répondre ; ses larmes parloient à mon cœur, les miennes continuoient à couler, mais elles avoient moins d’amertume.