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restrictions : pendant les trois premières années, l’Inquisition devait suivre la même procédure que les autres tribunaux, c’est-à-dire faire déposer les témoins publiquement, au moins pour les Marranes de classe moyenne, et la confiscation des biens ne pouvait devenir effective que dix ans après la condamnation. De plus, Paul III recommanda d’user d’indulgence dans la répression. Mais une fois autorisé à sévir, le Saint-Office procéda avec la même rigueur qu’en Espagne. Après le délai légal, en novembre 1536, l’Inquisition commença donc son œuvre de persécution. João III imposa même aux Marranes le port d’un signe distinctif.

Ceux-ci, pourtant, ne se découragèrent pas. De nouveau ils tentèrent des démarches à la cour romaine pour faire annuler la bulle. Duarte de Paz remit de leur part au pape un mémoire dont le langage était presque menaçant : Si Votre Sainteté reste indifférente aux supplications et aux larmes de la race hébraïque, ou, ce que nous ne pensons pas, si Elle refuse de nous venir en aide, comme le devrait être le rôle du représentant du Christ, nous protestons devant Dieu, et nos plaintes et nos sanglots s’élèveront comme une protestation en face de l’univers tout entier. Persécutés dans notre vie, dans notre honneur, dans nos enfants, qui sont notre sang, et presque dans notre salut, nous avons pourtant continué de nous tenir éloignés du judaïsme. Mais, si l’on ne cesse pas de nous persécuter, nous exécuterons un projet auquel nul d’entre nous n’aurait jamais songé, nous retournerons à la religion de Moïse et nous renierons le christianisme, que l’on veut nous imposer par la force… Nous nous enfuirons de notre patrie pour chercher un refuge chez des peuples plus humains. Ce mémoire impressionna vivement le pape, qui nomma une commission chargée d’examiner s’il devait maintenir sa bulle. Sur les trois membres, deux, les cardinaux Ghinucci et Jacobacio, étaient favorables aux Marranes ; le troisième, le cardinal Simoneta, se rangea aussi, à la fin, à l’opinion de ses collègues. Le pape envoya donc en Portugal un nouveau légat pour arrêter les poursuites de l’Inquisition contre les Marranes et favoriser leur émigration. Peu après, il adressa à ce légat un bref (août 1537) qui autorisait et même encourageait les Portugais à accorder aux Marranes aide et protection, acte que l’Inquisition punissait comme un crime.