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Il était noir de peau, de petite taille et d’une maigreur de squelette, mais d’une remarquable énergie, courageux, et d’une brusquerie qui empêchait toute familiarité. Il ne partait que l’hébreu, mais dans un jargon si corrompu qu’il n’était compris ai des Juifs asiatiques, ni de ceux de l’Europe méridionale. Dès qu’il fut arrivé à Rome (février 1524), il se rendit sur un destrier blanc à la cour pontificale, suivi d’un domestique et d’un interprète, et il demanda immédiatement audience au cardinal Giulio, qui le reçut en présence d’autres cardinaux. Il fut également reçu par le pape Clément VII (1523-1534), à qui il remit des lettres de créance.

Ces lettres paraissent avoir été confiées à David Reübeni par des capitaines et des marchands portugais qu’il avait probablement rencontrés en Arabie ou en Nubie. Le pape les soumit au gouvernement portugais, et quand on lui en eut certifié l’authenticité, il rendit à David les mêmes honneurs qu’à un ambassadeur. Effrayé du développement incessant de la Réforme et craignant les empiètements de Charles-Quint en Italie, Clément VII accueillit avec empressement le plan que lui soumettait David Reübeni de chasser les Turcs de la Terre Sainte avec le concours d’une armée juive. Il estimait que le succès de cette entreprise ferait briller le christianisme d’un nouveau lustre et raffermirait l’autorité du pape en Europe.

Au commencement, David Reübeni rencontra bien des incrédules parmi ses coreligionnaires. Mais, quand ils virent l’accueil que lui faisait le pape, ils se dirent que tout ne devait pas être mensonger dans ses récits, et de nombreux Juifs romains et étrangers commencèrent à entrevoir pour le judaïsme un avenir plus heureux. Benvenida Abrabanela, femme du riche Samuel Abrabanel, envoya de Naples à David Reübeni de fortes sommes d’argent, des vêtements précieux et une bannière en soie sur laquelle était brodé le Décalogue. Mais David affecta de ne pas se lier intime-ment avec des Juifs.

Invité par le roi João à venir le voir en Portugal, David se rendit (en novembre 1525) à Almeria, près de Santarem, où résidait le roi et où il fut reçu avec de grands honneurs. On examina avec lui par quels moyens le Portugal pourrait fournir des