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CHAPITRE II
L’inquisition et les Marranes. Extravagances cabalistiques et messianiques
(1530-1548)


La secousse qui ébranla si fortement le christianisme, dans le premier quart du XVIe siècle, agit à peine sur l’organisation intérieure du judaïsme. Pendant que, chez les chrétiens, un changement très sensible se produisit dans les idées, les mœurs et même la langue, et qu’on put assistera un véritable rajeunissement, les Juifs laissèrent leur vieil édifice à peu prés intact. Il est vrai qu’ils n’eurent pas de vrai moyen âge, et, par conséquent, la nécessité de modifications importantes et de l’avènement d’un esprit nouveau se faisait moins sentir chez eux. Pourtant, tout n’était pas parfait, à ce moment, dans le judaïsme. Les principes si élevés et si purs de la doctrine juive n’étaient pas encore complètement entrés dans la pratique, le peuple n’était pas sincèrement religieux et l’esprit des chefs manquait de netteté et de précision. Parmi les Juifs aussi, la scolastique avait exercé ses ravages. De plus, on conservait jalousement tous les vieux usages ; le culte synagogal ne parlait pas suffisamment au cœur et n’avait aucune solennité. La prédication était presque inconnue dans les communautés allemandes ; tout au plus les rabbins faisaient-ils parfois des conférences talmudiques, incompréhensibles pour la foule et surtout pour les femmes, et, par conséquent, sans action sur leur conduite. Les prédicateurs hispano-portugais prêchaient, il est vrai, dans leur langue maternelle, mais leurs sermons n’étaient qu’une longue argumentation, selon la méthode scolastique, et passaient par-dessus la tête de leurs auditeurs laïques.

Un autre point faible était le manque d’union dans les communautés. La persécution avait amené dans les villes importantes de l’Italie et de la Turquie des réfugiés juifs de la Péninsule ibérique