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Juifs les plus riches et les plus considérés de la ville, notamment un vieillard de quatre-vingts ans. On les arrêta aussitôt, et, comme ils protestaient de leur innocence, on leur infligea les plus cruelles tortures. Mais en dépit de leurs souffrances, ils persistèrent dans leurs protestations. Schérif-pacha eut alors recours à un supplice nouveau. Plus de soixante enfants, de trois à six ans, furent arrachés à leurs parents, enfermés dans une chambre et privés de nourriture, afin que les mères, par pitié pour leurs enfants, se décidassent à faire connaître les meurtriers. Tout fut inutile.

Voulant à toute force trouver le cadavre du Père Thomas dans le quartier juif, Schérif-pacha y pénétra le 18 février avec une troupe de soldats et démolit de fond en comble la maison d’un des accusés. Là encore, ses recherches furent vaines. Un jeune homme juif, auquel la crainte avait fermé la bouche jusque-là, se rendit alors auprès du gouverneur pour témoigner qu’il avait vu le père Thomas entrer dans le magasin d’un Turc quelques heures avant sa disparition. Au lieu de tenir compte de ce renseignement, Schérif-pacha fit rouer ce jeune homme de coups avec une telle violence que peu après le malheureux rendit le dernier soupir.

Sur ces entrefaites, on trouva un fragment d’os et un morceau d’étoffe. On conclut que l’os provenait d’un corps humain et que l’étoffe était la barrette du moine. On prétendait donc posséder enfin des preuves manifestes que le meurtre avait été commis par les Juifs. Aussitôt, les sept inculpés durent subir un nouvel interrogatoire et de nouvelles tortures. L’un d’eux, Joseph Laniado, un vieillard, succomba ; un second, Moïse Aboulafia, pour échapper enfla à ces douloureuses épreuves, se fit musulman. Les autres, vaincus par les souffrances, avouèrent tout ce qu’on leur suggérait ; ils préféraient une mort rapide aux terribles supplices qu’on leur infligeait.

Ces aveux ne suffisaient pas au consul français. Il voulait des preuves plus convaincantes, par exemple la bouteille remplie du sang de la victime et d’autres objets analogues. On continua donc de torturer les malheureux prisonniers, qui, voyant l’inutilité de leurs mensonges, revinrent sur leurs premiers aveux. Irrité de l’insuccès de ses efforts, Ratti-Menton fit arrêter de nouveaux Juifs, entre autres une des familles les plus considérées de