Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/309

Cette page n’a pas encore été corrigée

dévoués et rendirent plus accessibles au public les conceptions de ce philosophe exposées dans un langage obscur et rocailleux.

Marcus Herz (1747-1805) se fit remarquer par Kant pour sa pénétrante sagacité. À Berlin, où il était établi comme médecin, ses conférences sur la philosophie et la physique attiraient de grands savants et parfois des princes. Grâce à ses connaissances variées et à son brillant esprit, grâce aussi à son mariage avec la belle Henriette de Lemos, il réussit à faire de sa maison le rendez-vous de la meilleure société de Berlin et exerça ainsi une puissante influence sur les milieux juifs et même chrétiens.

Un autre philosophe, Salomon Maïmon (1753-1800), est certainement une des figures les plus curieuses de ce temps. S’appelant de son vrai nom Salomon de la Lithuanie ou de Nieswiesz, ce Juif polonais ressentit un tel enthousiasme pour le Guide des égarés, de Maïmonide, qu’il ajouta le nom de Maïmon à son propre nom. Il offre un exemple frappant de la facilité avec laquelle les Juifs s’assimilent les plus diverses connaissances. Venu en Allemagne dans un complet dénuement, comprenant à peine la langue du pays, ne sachant que le Talmud, il devint un profond et original philosophe. Kant, à qui Marcus Herz l’avait recommandé, admirait sa puissance de dialectique, son esprit pénétrant et faisait de lui le plus grand éloge, quoique Maïmon combattit une partie de ses idées. Celui-ci publia de nombreux ouvrages philosophiques et, quoique Polonais, sut exposer en allemand avec une suffisante clarté les plus obscurs et les plus arides problèmes métaphysiques. Le grand public apprit surtout à le connaître par son Autobiographie, où il dénonce sans ménagement les défauts de ses compatriotes juifs et témoigne d’un rare cynisme. Cette œuvre a des points de ressemblance avec les Confessions de J.-J. Rousseau.

Malgré ses mœurs dépravées, sa malpropreté presque repoussante et son caractère insupportable, Salomon Maïmon rencontra de généreux protecteurs. Son Autobiographie surtout le fit connaître dans toute l’Allemagne. Schiller et Goethe manifestèrent pour lui la plus vive sympathie, et le second exprima même le désir de l’appeler auprès de lui. Mais sa célébrité ne le rendit ni plus heureux ni moins repoussant. Il persista dans ses dérèglements,