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contre Wessely, et ils réussirent à faire brûler publiquement sa lettre à Lissa. Cet acte de fanatisme froissa vivement les esprits libéraux. À Trieste, à Ferrare, à Venise, les rabbins se prononcèrent avec énergie en faveur de Wessely. Dans plusieurs villes, et même à Prague, les Juifs fondirent des écules pour y organiser le nouvel enseignement. En réalité, les orthodoxes, dans leur haine contre les innovations, voyaient plus juste que Mendelssohn et Wessely. Ces deux nobles esprits, profondément attachés au judaïsme, espéraient provoquer, par leurs réformes, l’abolition des abus que le temps et les circonstances y avaient introduits ; ils ne se doutaient pas qu’ils l’ébranleraient jusque dans ses fondements.

Wessely, toujours maltraité par la destinée, eut encore la douleur de voir porter les coups les plus violents aux principes mêmes de la religion qu’il vénérait. Ce chagrin fut épargné à Mendelssohn. Il se préparait à écrire l’apologie de Lessing pour le présenter à la postérité dans toute sa gloire, quand il apprit de Jacobi que, peu de temps avant sa mort, son ami s’était déclaré partisan de la philosophie de Spinoza. Lessing spinoziste ! Mendelssohn en fut profondément affecté. La tristesse qu’il en ressentait hâta certainement sa fin. Il mourut le 4 janvier 1786. Au moins n’eut-il pas la douleur de voir une de ses filles abandonner son mari et ses enfants pour s’enfuir avec un amant, une autre embrasser le christianisme, et un de ses fils livrer ses enfants à l’Église.

La mort de Mendelssohn fut un deuil non seulement pour tous ses coreligionnaires allemands, mais aussi pour de nombreux chrétiens de Berlin et d’autres villes. Ses amis chrétiens Nicolaï, Biester et Engel, précepteurs du prince-héritier Frédéric-Guillaume III, unirent leurs efforts à ceux de ses admirateurs juifs pour essayer de lui faire élever une statue sur la place de l’Opéra, à Berlin, à côté de celles de Leibniz, de Lambert et de Sulzer. L’enfant du modeste scribe de Dessau était devenu une des gloires de la capitale prussienne.