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linge est propre, l’usage en est agréable ; mais il suffit de quelques jours pour le souiller, et on le jette ensuite dans un coin. Il en est de même, disait-on, pour les renégats juifs. Immédiatement après le baptême, ils sont choyés par les chrétiens, mais peu à peu ils sont négligés, puis totalement délaissés.

Les agissements de Pfefferkorn n’étaient pas sans danger pour les Juifs d’Allemagne, qui résolurent de se défendre vigoureusement. Des médecins juifs, influents à certaines cours princières, paraissent s’être servis de leur crédit auprès de leurs protecteurs pour démontrer l’inanité des accusations de leur adversaire. Sur un point, cependant, les obscurants de Cologne espéraient avoir facilement cause gagnée. Ils pensaient qu’on leur accorderait volontiers l’autorisation de faire des perquisitions dans les maisons juives et, au besoin, d’en soumettre les propriétaires à la torture pour mettre la main sur les exemplaires du Talmud et, en général, sur tout ouvrage religieux, en dehors de la Bible. Dans ce but, ils se mirent à circonvenir l’empereur Maximilien, qui, d’habitude, était opposé à toute violence, et à l’aire agir sur lui sa sœur Cunégonde.

Cette princesse, autrefois la fille préférée de l’empereur Frédéric Ill, avait causé à son père un profond chagrin. À l’insu de l’empereur, elle s’était mariée avec un de ses ennemis, le duc bavarois Albert de Munich. Pendant longtemps, le père irrité ne voulut même pas entendre prononcer le nom de sa fille. Le duc Albert mourut encore jeune (1508). Sa veuve, peut-être pour expier la faute commise à l’égard de son père, se retira dans un couvent et devint abbesse des sœurs Clarisses. C’est cette princesse, d’une piété sombre et fanatique, que les dominicains de Cologne s’efforcèrent de rendre favorable à leur projet. Ils envoyèrent Pfefferkorn auprès d’elle, pour lui persuader que les Juifs proféraient des injures contre Jésus, Marie, les apôtres et toute l’Église, et qu’il était nécessaire de détruire leurs livres, remplis de blasphèmes contre le christianisme. Convaincre une telle femme, qui vivait, enfermée dans un couvent, ne devait pas exiger de grands efforts. Cunégonde ajouta foi à toutes les calomnies débitées contre les Juifs, d’autant plus que ces calomnies lui étaient répétées par un homme recommandé parles dominicains et qui avait été Juif lui-