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flammes des bûchers. Ce double sentiment se trouve exprimé avec une vigoureuse éloquence dans l’imitation en vers espagnols qu’un poète marrane, David Abenatar (vers 1600-1625), publia des Psaumes de David.

L’impression si profonde que les Marranes avaient conservée de leurs anciennes souffrances les rendait plus accessibles à la pitié. Aussi multiplièrent-ils à Amsterdam, avec une généreuse libéralité, les institutions de bienfaisance et d’instruction, hôpitaux, orphelinats, sociétés de secours (hermandades). Mais, comme tous les hommes, à côté de leurs brillantes qualités, ils avaient leurs faiblesses. Beaucoup d’entre eux, nés et élevés dans le catholicisme, en avaient conservé les idées et les habitudes, même après leur conversion au judaïsme. Pour ces Marranes, les rites juifs avaient la même signification que les sacrements catholiques, et les rabbins étaient des confesseurs, pouvant donner l’absolution des péchés. Ils étaient donc convaincus de pouvoir faire leur salut tout en s’abandonnant à leurs appétits et à leurs passions, pourvu que le prêtre leur pardonnât leurs fautes. De là, un sérieux relâchement dans les mœurs. Les deux premiers rabbins d’Amsterdam, tenant compte de la situation particulière de ces nouveaux Juifs, leur témoignèrent une large indulgence. Hais leur successeur, Isaac Uziel, flétrit ces mœurs corrompues du haut de la chaire avec une grande sévérité. Ses diatribes irritèrent une partie de ceux qu’elles atteignaient ; ils sortirent de la communauté, et, sous la direction de David Osorio, ils fondèrent une nouvelle communauté (1618) et choisirent David Pardo comme rabbin.

À côté des Juifs portugais vinrent bientôt s’établir des Juifs allemands, chassés de leurs ghettos par la guerre de Trente ans. Les magistrats d’Amsterdam, défavorables, au début, à i’établissement des Juifs en Hollande, accueillirent les nouveaux venus avec bienveillance. Du reste, les Juifs n’étaient soumis, dans les Pays-Bas, à aucune restriction ; on leur interdisait seulement l’accès des emplois publics. Quand la pair eut été conclue entre les Pays-Bas et la Péninsule ibérique, les représentants hollandais en Espagne et en Portugal exigèrent même que leurs compatriotes juifs jouissent, dans ces pays, des mêmes droits que