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monacales, c’était l’étude du Talmud. Quiconque voulait se retrouver dans les dédales du Talmud, suivre sa dialectique serrée et ses raisonnements subtils, avait besoin d’une intelligence claire et d’une attention soutenue ; les talmudistes ne pouvaient pas s’endormir dans un doux mysticisme. Aussi voyait-on régner dans les écoles talmudiques une activité saine et joyeuse, on n’y connaissait ni les préoccupations affligeantes, ni les gémissements stériles, on y étudiait avec ardeur et on y oubliait les malheurs du passé et les menaces de l’avenir.

Les deux savants qui avaient donné un essor considérable à l’enseignement du Talmud moururent tous deux au commencement du XIIe siècle : Isaac Alfasi en 1103 et Raschi en 1105. Tous les deux laissèrent de nombreux disciples, qui continuèrent l’œuvre de leurs maîtres, et tous les deux furent profondément vénérés par leurs contemporains comme par la postérité. L’admiration des Juifs espagnols pour Alfasi se manifesta par des poésies élégantes et touchantes, et celle des Juifs d’Allemagne et du nord de la France pour Raschi se fit jour dans de nombreuses légendes.

Les Juifs d’Espagne pouvaient encore considérer ce beau pays comme une patrie. Même sous la domination des Almoravides, ces princes barbares qui s’étaient emparés de l’Espagne méridionale, ils vivaient dans une parfaite sécurité. Sous le règne d’Ali (1106-1143), le deuxième souverain de la dynastie des Almoravides, quelques Juifs furent même chargés par la population juive et chrétienne de percevoir les impôts, d’autres furent nommés, à la cour, à des emplois élevés. Ainsi Abou Ayyoub Salomon ibn Almouallem, de Séville, poète très distingué, fut attaché comme médecin à la personne d’Ali et reçut le titre de prince et de vizir. Un autre médecin, Abou-I-Hassan Abraham ben Meïr ibn Kamnial, de Saragosse, vivait également à la cour d’Ali avec le titre de vizir. À en croire les poètes contemporains, Ibn Kamnial avait des sentiments élevés, était généreux et s’intéressait beaucoup au sort de ses coreligionnaires. Ce prince, disent-ils, marche sur terre, mais ses regards sont dirigés vers le ciel. Il se précipite avec la rapidité de la foudre au secours de ses semblables, ses largesses s’adressent aux étrangers comme à ses concitoyens, il consacre sa fortune à sauver ceux que le malheur a voués à la mort… Sa protection